2.3 - Définition des levés à effectuer. IFREMER des habitats marins
98 2 - Que veut-on cartographier ?
Image d’un sondage multifaisceaux effectué dans la Manche, superposée à une carte des sédiments benthiques (partie du bas). L’image du haut montre la partie qui a fait l’objet du sondage multifaisceaux (rectangle rouge) par rapport à la zone plus vaste couverte par la carte des sédiments.
Partie d’une carte au 1/250 000 de la
Commission géologique britannique montrant la position des points d’échantillonnage qui ont servi à tracer les frontières entre les types de sédiment benthique
La principale leçon à tirer de cet exemple est d’examiner attentivement les données et interprétations existantes, afin de bien comprendre leurs limites si l’on compte les utiliser pour un programme de cartographie.
2.3 - Définition des levés à effectuer
Si l’analyse de l’existant montre le besoin d’acquérir des données par de nouveaux levés, la prochaine étape du processus de planification consiste à établir un cahier des charges des levés en question. Il faut pour cela avoir certaines connaissances sur les différentes stratégies de réalisation des levés et sur les outils d’échantillonnage disponibles.
D’une manière générale, la réalisation de levés fait intervenir la télédétection et des techniques d’échantillonnage direct. Les moyens de télédétection assurent une couverture d’une zone d’un littoral ou du fond de la mer, mais employés seuls ils ne permettent habituellement pas de détecter des habitats. Ils permettent plutôt de subdiviser le territoire couvert en un certain nombre de zones représentant différents types de terrain. Les techniques d’échantillonnage direct fournissent les données physiques et biologiques relatives à un certain nombre de points. Ces données sont nécessaires à l’identification et à la classification des habitats. Il est possible de produire des cartes d’habitats seulement par échantillonnage direct, mais cela exige un programme intense d’échantillonnage pour obtenir la couverture spatiale nécessaire. Au lieu de cela, il est
2 - Que veut-on cartographier ? 99 plus efficace et rentable d’utiliser une combinaison des deux techniques, en ciblant l’échantillonnage direct sur différents types de terrain. On obtient ainsi une couverture totale et des données de terrain stratifiées que l’on peut ensuite intégrer et interpréter pour produire une carte. L’équipe du projet M
ESH
recommande le recours à la stratégie de
échantillonnage représentatif du territoire à cartographier.
Stratégie de base de la réalisation de levés. Les données acquises par télédétection et par
échantillonnage direct sur le terrain alimenteront la phase d’intégration et d’interprétation du processus de cartographie.
La télédétection et les campagnes de terrain font appel à une gamme de technologies, d’instruments et de dispositifs, dont certains fournissent plusieurs types différents de données (ou d’échantillons) alors que d’autres n’en donnent qu’un. Les techniques de télédétection optique (p. ex. imagerie satellitaire, photographie aérienne et lidar) sont efficaces sur le littoral et dans les eaux claires peu profondes. Les levés à bord de navires utilisent un ensemble de techniques acoustiques pour produire des images du fond. Les systèmes à haute fréquence comme les sondeurs multifaisceaux et le sonar à balayage latéral donnent des plans-images de la surface du fond, alors que les systèmes à basse fréquence (p. ex. les profileurs du sous-sol du fond) pénètrent le fond et donnent des profils des couches de sédiments et des strates rocheuses. Les campagnes de terrain menées sur le littoral favorisent l’observation directe, alors que celles menées à bord de navires reposent plutôt sur des prélèvements à la benne, des chaluts et l’observation à distance (caméras vidéo et appareils photographiques). La méthode de levé dépend de la combinaison d’outils et de techniques choisie (ou disponible). Nous résumons les capacités et les limites de diverses catégories de techniques de télédétection et de travail de terrain. L’outil interactif de définition de la portée du programme permet à l’utilisateur de voir le degré d’adéquation de ces techniques sous différentes conditions du milieu. Le chapitre 3 « Comment se fait l’acquisition des données ? » suggère des lignes directrices concernant l’exploitation des divers outils d’échantillonnage.
Cette étape du processus de planification devrait porter sur la stratégie de réalisation des levés, en tant que plan d’action général visant à répondre aux besoins. Il faut définir le type et la quantité de télédétection nécessaires. Grâce à leur rapidité, les techniques
100 2 - Que veut-on cartographier ? aériennes permettent habituellement de couvrir entièrement le littoral et les zones intertidales de petit fond. Par contre, les levés à partir de navires sont souvent limités par des considérations de temps et de coûts, de sorte qu’il faut choisir entre une couverture totale d’une petite zone ou une couverture partielle d’un plus grand territoire. Une couverture inférieure à 100 % se traduit automatiquement par l’incapacité à réaliser des
cartes à haute résolution, mais on peut produire des cartes à résolution plus faible avec divers degrés de fiabilité, à l’aide de techniques d’interpolation ou de levés à couverture partielle. Une stratégie de levés « imbriqués » combine une couverture partielle d’un grand territoire et une couverture plus détaillée de certaines zones présentant un intérêt particulier.
Exemple de levé à couverture partielle (à gauche) et de carte produite par interpolation (à droite). Le territoire faisant l’objet du levé a une largeur d’environ 20 km.
La stratégie de la campagne de terrain dépend de la finalité de la carte et du niveau de
fiabilité requis. On a le choix de prélever un ou plusieurs échantillons de chaque zone distincte vue par télédétection, ou seulement de chaque type de terrain. On peut
également avoir besoin de stratifier davantage l’échantillonnage pour tenir compte de facteurs écologiques, par exemple le cycle d’immersion et d’émersion des estrans ou la profondeur et le gradient de turbidité en eau profonde.
Le résultat de cette étape du processus de planification devrait être un cahier des charges des levés décrivant en détail les objectifs des levés et donnant les grandes lignes des stratégies et de l’ordonnancement du travail. Le cahier des charges doit être suffisamment détaillé pour permettre à ceux qui proposent les levés d’en faire une estimation des coûts en vue de solliciter un financement ou de lancer des appels d’offres. Le plan de campagne détaillé des levés fait généralement l’objet d’un accord à un stade ultérieur et peut contenir des éléments assujettis aux résultats des premières phases des travaux.
Une fois le financement assuré et un accord sur la portée du travail conclu, il est courant de revoir en détail la campagne de télédétection et la campagne de terrain pour s’assurer que la conception des levés répond de manière optimale aux objectifs du programme.
2.3.1 - Stratégie de base de la réalisation de levés
La télédétection et l’échantillonnage sur le terrain procurent tous deux de l’information pertinente pour la cartographie des habitats. On peut en principe recourir à l’un ou à l’autre, ou à une combinaison des deux. L’équipe du projet M
ESH
recommande de recourir
à une combinaison des deux, et dans un ordre déterminé : la télédétection d’abord, suivie d’une campagne de terrain. Pour vous aider à comprendre pourquoi nous recommandons cette stratégie de base, ainsi que les conséquences pour votre programme de
cartographie si vous devez adopter une approche différente, nous passons en revue les quatre options possibles.
2 - Que veut-on cartographier ? 101
Télédétection seule – Cette stratégie donne une bonne couverture spatiale qui permet de segmenter le territoire en divers « types de terrain », mais il faut un travail d’interprétation ou de terrain pour identifier à quoi correspond chaque type. Certaines techniques de télédétection fournissent des images interprétables dans lesquelles des types de terrain sont directement identifiables à partir de la « signature » caractéristique du substrat ou de la structure (p. ex. herbier de phanérogames marines dans le cas de la photographie aérienne, ou rides de sable dans le cas du sonar à balayage latéral), mais d’autres résultats peuvent représenter un mélange de types d’habitat, car le capteur est incapable de distinguer différents substrats, par exemple le sable et la vase. Les données de télédétection sont généralement dépourvues d’information sur la composante biologique des habitats et limitent de ce fait les détails que l’on peut inclure dans la description et la classification des habitats. Employée seule, la télédétection est probablement l’option la moins coûteuse, au prix toutefois d’une information réduite dans le rendu cartographique.
Campagne de terrain seule – Cette stratégie fournit de l’information sur les composantes physique et biologique des habitats, mais le seul recours à des techniques d’échantillonnage sur le terrain n’est généralement pas suffisant pour délimiter avec
exactitude les frontières des habitats. La campagne de terrain n’est pas conçue à partir de connaissances préalables des caractéristiques du fond (types de sédiment et figures
sédimentaires), et doit donc être menée sur la base d’une grille ou d’une stratification des profondeurs. L’échantillonnage se fait généralement à une très petite échelle (p. ex. prélèvements à la benne sur 0,1 m
2
, vidéo sur des sections de 200 m de long), de sorte que l’échantillonnage doit être intense pour que toutes les zones soient couvertes de manière adéquate et égale. Le coût de programmes d’échantillonnage aussi intenses est généralement prohibitif (sauf pour de très petites zones).
Télédétection suivie d’une campagne de terrain – Il s’agit de l’approche optimale des levés pour la cartographie des habitats. La télédétection permet de segmenter le territoire en types de terrain, dont chacun peut ensuite être ciblé afin que l’échantillonnage réalisé sur le terrain soit représentatif. Le tableau complet des habitats se déduit par la suite en associant les données de télédétection et celles de la campagne de terrain, par analyse
empirique, interprétation directe ou modélisation (voir le chapitre 4 « Comment réalise-ton une carte ? »). La combinaison dans cet ordre des deux types de levés s’avère l’option la moins coûteuse pour obtenir des cartes donnant de l’information physique et biologique sur les habitats.
Campagne de terrain suivie de télédétection – Cette technique est plus efficace que le recours à une seule des deux méthodes, mais l’incapacité d’orienter la campagne de terrain vers des structures connues du fond ou vers différents types de terrain empêche de profiter pleinement des synergies potentielles entre les deux types de techniques.
L’intensité de l’échantillonnage doit demeurer élevée pour assurer une couverture égale de toutes les zones. Cette stratégie peut donc s’avérer l’option la plus coûteuse.
Recommandation
L’équipe du projet M
ESH
recommande fortement le recours à la troisième des approches ci-dessus, à savoir la télédétection suivie d’une campagne de terrain, qui a fait ses preuves comme méthode la plus efficace et la plus rentable de production de
cartes d’habitats ayant un niveau acceptable de fiabilité et d’exactitude.
Après avoir choisi une stratégie de base de la réalisation de levés, il faut examiner la gamme d’outils et techniques d'échantillonnage (voir sous-section 2.3.2) disponibles et choisir ceux qui sont les plus à même de fournir les données et l’information à acquérir d’après les résultats de l’analyse de l’existant.
102 2 - Que veut-on cartographier ?
2.3.2 - Outils et techniques d’échantillonnage
Les opérateurs de terrain ont à leur disposition une variété de technologies d’échantillonnage de divers aspects de l’environnement. Les outils de télédétection, qui comprennent les technologies optiques, le radar, le sonar et les technologies sismographiques, sont complétés par des techniques de prélèvement telles que le prélèvement à la benne et le carottage, et par des techniques d’observation comme la vidéo et la photographie. Chaque technologie comporte divers outils conçus pour fonctionner dans certaines conditions ou à des fins légèrement différentes (p. ex. caméras fixées sur un traîneau ou sur un bâti vertical, et véhicules téléguidés munis de caméras vidéo). Pour rédiger le cahier des charges des levés, il faut avoir une certaine connaissance de la gamme d’outils disponibles et des données qu’ils peuvent fournir, et savoir dans quelle mesure ils sont adaptés à une utilisation dans les conditions de levé prévisibles.
Dans cette sous-section, nous passons brièvement en revue divers outils et techniques, afin de comparer leurs possibilités et leurs limites. Cela vous aidera à choisir un ensemble de techniques appropriées qui seront énumérées dans le cahier des charges des levés. Une version agrandie des trois fiches récapitulatives, ci-après, est accessible dans le dossier des documents (fichier Technique selection v2.ppt
). Une description plus détaillée de chaque technique est donnée dans la recension M
ESH
des normes et protocoles pour la cartographie des habitats benthiques, contenue dans le fichier M
ESH
_Standards_&_Protocols_2nd
Edition_26-2-07.pdf
.
2.3.2.1 Techniques de télédétection
Les techniques de télédétection les plus souvent employées pour la cartographie des
habitats marins se répartissent en deux catégories :
– les techniques aériennes (satellitaires ou aéroportées) pour les estrans et les zones de petit fond (profondeur maximale de 10 m en eau claire) ;
– les techniques acoustiques pour les zones de petit fond et de plus grand fond du domaine subtidal. On peut les utiliser pour les estrans à marée haute, mais cela n’est pas habituel, car les risques de dommages sont plus élevés.
Techniques aériennes
Pour les estrans et les zones de petit fond, on peut cartographier la répartition spatiale des faciès benthiques (c’est-à-dire des différents types de terrain) à partir d’images satellitaires et de campagnes aériennes. D’autre part, le relief peut être déterminé à l’aide d’un lidar (instrument laser fixé sur un avion) ou par stéréophotographie aérienne.
Techniques acoustiques
Les techniques acoustiques peuvent donner de l’information sur les caractéristiques superficielles et subsuperficielles du fond marin. Pour la cartographie des habitats marins, ce sont habituellement la surface et les 50 premiers centimètres du fond qui sont les plus intéressants, car c’est là où vivent la majorité des espèces. Les sonars à balayage latéral, multifaisceaux et à interféromètre captent le long du fond des fauchées que l’on assemble pour construire des images à haute résolution sur lesquelles il est possible de reconnaître certains sédiments et figures sédimentaires directement cartographiables. Les
échosondeurs monofaisceau captent une série de points le long du fond et, par l’intermédiaire d’un système acoustique de classification automatique des natures de fonds (SACLAF), peuvent construire des images matricielles à faible résolution qui subdivisent le territoire levé en divers types de terrain. Certaines techniques sont meilleures pour cartographier la répartition spatiale des faciès, alors que d’autres conviennent mieux à la cartographie du relief. D’autres encore permettent de faire les
2 - Que veut-on cartographier ? 103 deux. Les appareils à basse fréquence sont conçus pour sonder le fond sous la surface afin de montrer l’épaisseur des diverses couches de sédiments.
Les techniques sismographiques de télédétection sont considérées comme un cas particulier en cartographie des habitats marins. On les emploie souvent en géologie pour montrer des profils dans la croûte terrestre, et elles sont utiles pour la cartographie des
habitats lorsqu’elles enregistrent des structures à la surface ou près de la surface du fond.
Leur résolution est bien moindre que celle des moyens acoustiques, mais l’information qu’elles procurent peut fournir des indications supplémentaires permettant d’interpréter la nature du fond marin, notamment dans de vastes territoires ou dans les zones de grand fond du plateau continental, où les techniques acoustiques ne sont pas toujours vraiment utiles.
2.3.2.2 Techniques de terrain
techniques d’observation et les techniques de prélèvement. Les levés du littoral et des zones de petit fond tendent à reposer en grande partie sur l’observation humaine, même si des prélèvements sont nécessaires pour obtenir des données quantitatives. En eau profonde, on peut fixer des caméras sur différents dispositifs pour observer le fond, mais l’échantillonnage repose en grande partie sur des appareils qui prélèvent des échantillons des sédiments, de l’endofaune et de l’épifaune. Ces échantillons sont ensuite traités et analysés pour fournir la plupart des données physiques et biologiques nécessaires à la
classification des habitats. Les dispositifs de prélèvement ne sont généralement efficaces que sur des sédiments non consolidés, de sorte que dans les zones rocheuses on se fie davantage aux moyens vidéo et photographiques.
104 2 - Que veut-on cartographier ?
2 - Que veut-on cartographier ? 105
106 2 - Que veut-on cartographier ?
2 - Que veut-on cartographier ? 107
2.3.2.3 Variété d’outils et de techniques
Les techniques de télédétection, d’observation et de prélèvement se subdivisent en une variété d’outils conçus et mis au point pour des applications précises ou pour procurer un rendement optimal dans des conditions données. Le tableau ci-après mentionne certains des outils les plus utilisés en cartographie des habitats marins. Une description plus détaillée de ces outils figure dans la recension M
ESH
des normes et protocoles pour la
cartographie des habitats benthiques, contenue dans le fichier
ESH
_ Standards_
&_Protocols_2nd Edition_26-2-07.pdf
. Pour chaque technique, ce fichier donne une description des principes généraux de fonctionnement, et énumère les différents systèmes disponibles et leurs applications. Lors de la planification d’une campagne de levés ou de la rédaction d’un cahier des charges, il faut savoir que des systèmes variés existent, et consulter un spécialiste susceptible de vous recommander les outils les plus appropriés en fonction des besoins.
Technique
Télédétection aérienne
Variété d’outils pour diverses techniques
Variations
Photographie aérienne Photographie oblique ou ortho-rectifiée
Imagerie numérique aéroportée
Imagerie satellitaire
Lidar
Techniques acoustiques
Panchromatique, multi- ou hyperspectrale
Panchromatique, multi- ou hyperspectrale
Topographique, hydrographique
Sondeur multifaisceaux
Sondeur monofaisceau
Sonar à balayage latéral
Sonar à interféromètre
Gamme de fréquences, modèles optimisés pour diverses fourchettes de profondeur
Gamme de fréquences, fréquence simple ou double
Analogique ou numérique, gamme de fréquences, fréquence simple ou double, modulation de fréquence (compresseur d’impulsions)
Gamme de fréquences, fréquence simple ou double
Système acoustique de
classification automatique des natures de fonds
Analyse de la force du signal ou de la forme de l’onde
Profileur du sous-sol du fond
Fréquence simple ou modulation de fréquence (compresseur d’impulsions), étinceleur et boomer
Techniques de prélèvement ou d’échantillonnage
Prélèvements à la benne
Carottage
Hamon, Day, Smith-McIntyre, Van Veen, Shipek,
Carottier-boîte, Nioz, Vibrocore, carottage multiple
Dragage
Vidéo et photographie
Drague à huîtres, drague à coquilles St-Jacques, Naturalist,
Rallier du Batty, drague à roches, drague à ancre
Caméras remorquées ou fixées sur un bâti vertical, véhicules téléguidés
108 2 - Que veut-on cartographier ?
2.3.2.4 Adéquation des techniques
Le choix des techniques de levé à employer doit dépendre non seulement de leurs capacités de captage ou d’échantillonnage, mais aussi de leur adaptation aux conditions de levé prévues. Même les techniques d’échantillonnage les plus éprouvées ont leurs limites techniques et logistiques. Les prélèvements à la benne sont inefficaces sur des substrats rocheux, les techniques optiques sont affectées par la turbidité de l’eau, les scaphandriers ne travaillent normalement pas à plus de 30 m de profondeur. Par conséquent, selon les circonstances, ce ne sont pas les mêmes combinaisons d’outils de télédétection et d’échantillonnage qui sont appropriées. L’outil interactif de définition de la portée du programme présenté au paragraphe 2.1.1.1 « Définition de la portée du programme » comporte une partie qui vous permet de vérifier l’adéquation de ces techniques sous différentes conditions du milieu. L’utilisation de cette partie de l’outil de définition de la portée du programme est expliquée en détail au paragraphe 2.3.2.2
« Adéquation des outils de levé ».
Voici enfin les éléments à considérer dans le choix final d’un ensemble d’outils de télédétection et d’échantillonnage sur le terrain pour effectuer des levés dans le cadre d’un programme de cartographie des habitats :
– les capacités et les limites des divers outils et techniques ;
– la combinaison optimale d’outils nécessaire pour fournir l’information requise ;
– l’adéquation des outils aux conditions prévues des levés.
Les deux premiers éléments ont été abordés précédemment, et l’on s’intéresse ici au troisième. Les conditions des levés concernent la nature du territoire et les conditions du milieu aux sites des opérations de levé. À chaque outil correspondent des conditions précises de fonctionnement, et ces conditions sont plus critiques pour certains outils que pour d’autres.
Dans le cas par exemple des techniques de vidéo sous-marine, chacune a des limites critiques qui déterminent laquelle employer. Les véhicules téléguidés ont une capacité limitée à se mouvoir à l’encontre de courants même modérés, de sorte que l’on peut préférer des caméras remorquées ou fixées sur un bâti vertical pour bénéficier d’une
« fenêtre opérationnelle » plus grande dans les eaux soumises à la marée. Les caméras remorquées sur des traîneaux ne sont pas appropriées pour des terrains rugueux ou rocheux, et l’on préférera dans ce cas utiliser des véhicules téléguidés ou des caméras fixées sur un bâti vertical. Parmi toutes ces techniques, les caméras fixées sur un bâti vertical sont les plus difficiles à utiliser dans des conditions de houle modérée, car les mouvements du navire les font monter et descendre par rapport au fond, ce qui rend difficile le maintien d’une altitude optimale. La turbidité de l’eau affecte tous les outils vidéo. Il faut donc éviter les périodes de turbidité accrue de l’eau, par exemple les
éclosions (« blooms ») annuelles de phytoplancton et les pointes quotidiennes des courants de marée.
Ces commentaires montrent que de nombreux facteurs doivent être pris en considération pour le choix d’outils d’échantillonnage. Si vous revenez à l’outil de définition de la portée du programme (voir le document Scoping Tool.swf
), vous verrez que les conditions des levés sont traitées sous l’onglet
Environmental, comme le montre la figure ci-après.
2 - Que veut-on cartographier ? 109
Des techniques d’échantillonnage sont énumérées à droite, et la partie centrale sert à indiquer quelles pourraient être les conditions des levés. Chaque technique reçoit une cote, représentée par une couleur, qui indique jusqu’à quel point elle est adéquate dans les conditions indiquées. Si l’on déplace les témoins dans les barres pour représenter des conditions différentes, l’outil change les couleurs dans la partie droite en fonction de l’adéquation de chaque technique aux nouvelles conditions indiquées. Une technique est affichée comme partiellement adéquate (« partly suitable ») si au moins l’une des bornes supérieure et inférieure de l’une des conditions est en dehors de la fourchette acceptable.
Une technique est affichée comme inadéquate (« not suitable ») si les deux bornes supérieure et inférieure de l’une des conditions sont à l’extérieur et du même côté de la fourchette acceptable (voir ci-après).
110 2 - Que veut-on cartographier ?
Dans cette partie de l’application interactive, il faut surtout faire attention aux techniques affichées comme inadéquates (en rouge). Il est normal que des techniques soient jugées adéquates (en vert) ou partiellement adéquates (en jaune) Évidemment, certains facteurs n’ont aucun effet sur l’adéquation de certaines techniques (par exemple, la turbidité de l’eau n’a aucun effet sur l’adéquation des prélèvements à la benne).
2.3.3 - Stratégie de réalisation de levés par télédétection
Les principales questions de stratégie à considérer pour les levés par télédétection concernent les outils à utiliser et la couverture totale ou partielle du territoire. d’échantillonnage », les types de données et d’information obtenus varient selon les instruments de télédétection, de sorte qu’il faut choisir ces derniers en fonction des besoins d’information mis en lumière par l’analyse de l’existant. À ce stade de la planification, on indique habituellement quelle technique (ou combinaison de techniques) de télédétection sera employée, car cela a des conséquences importantes sur la stratégie de réalisation de levés par télédétection.
Levé à l’aide d’une combinaison de lidar et d’imagerie numérique aérienne
© Terra Imaging
Dans le cas de la photographie aérienne ou satellitaire, la stratégie implicite est de rechercher une couverture totale puisque la largeur de fauchée de ces techniques est généralement supérieure à la largeur du littoral exposé. Dans le cas des lidars topographique et hydrographique, la stratégie implicite est également celle d’une couverture totale, car l’objectif visé est d’élaborer un modèle numérique de terrain (MNT) montrant la topographie de la zone de levé. Le levé est effectué par une série de fauchées parallèles, et toute zone non couverte se traduirait par des lacunes dans le
modèle. La largeur de fauchée du lidar est réglable jusqu’à un certain point, une fauchée plus large couvrant plus de terrain à une résolution moindre.
Les levés de zones de petit fond mettent à contribution une combinaison de techniques de télédétection aériennes et acoustiques, et les questions de stratégie ont trait à la moins grande efficacité des techniques aériennes lorsque la profondeur ou la turbidité de l’eau augmentent. Les techniques acoustiques ne sont pas affectées par la turbidité de l’eau, de sorte que l’on peut s’en servir pour compléter les levés, à condition que la profondeur de l’eau soit suffisante (sinon il est difficile d’y recourir en pratique). Ces questions sont abordées plus en détail au paragraphe 2.3.3.1 « Télédétection en zone de petit fond » à l’aide de deux études de cas. Pour réaliser un MNT, il faut choisir des techniques aériennes et acoustiques qui donnent la position en trois dimensions (X, Y, Z). Il faut aussi
2 - Que veut-on cartographier ? 111 s’assurer que les techniques employées utilisent le même système géodésique (p. ex. latitude, longitude, WGS84) et que les deux jeux de données sont calés sur un même niveau de référence (de profondeur nulle) avant leur fusion.
La question du degré de couverture (totale ou partielle) a énormément d’importance dans le cas des levés acoustiques, qui s’effectuent eux aussi par un ensemble de fauchées parallèles afin d’obtenir une couverture totale du territoire. L’image ci-après résultant d’un sondage multifaisceaux d’une partie de la Manche centrale illustre ce point. On peut cartographier les détails de la partie supérieure, où la couverture est totale, mais dans la partie inférieure, où la couverture est partielle, seules les grandes structures qui s’étendent au-delà des zones non couvertes sont cartographiables. Ce sont des questions de temps et de coûts qui incitent à faire une couverture partielle plutôt que totale.
Image de la Manche centrale produite par sondage multifaisceaux, qui montre une couverture totale et partielle d’une zone d’affleurements rocheux faillés coupée par une paléovallée orientée dans la direction nord-sud. Les lignes de la grille correspondent à des intervalles de 0,5 degré (~0,5 mille marin).
Une couverture totale est obligatoire pour produire des cartes à échelle fine, et c’est la plus valable dans les zones fortement hétérogènes. Elle peut ne pas être nécessaire pour cartographier des structures à une échelle plus globale ou dans les zones où le substrat est très homogène (p. ex. une grande plaine sableuse). Dans ces derniers cas, on arrive
à obtenir une couverture « quasi-totale » à partir d’une couverture partielle en interpolant
à l’œil entre les fauchées comme on l’a vue plus haut. Il n’est pas rare d’interpoler sur plus de deux fois la largeur de fauchée (couverture d’environ 33 %). Des levés partiels de grands territoires (des milliers de kilomètres carrés) sont réalisables selon une stratégie de « corridors », qui consiste en une couverture totale de corridors d’une largeur de 1 km espacés de 5 à 10 km. Il s’agit d’un type de levés imbriqués, qui permet de reconnaître des structures à échelle fine ou intermédiaire dans les corridors et à cartographier les structures à échelle globale sur tout le territoire. Pour plus de détails à ce sujet, voir paragraphe 2.3.3.2 « Levés acoustiques à couverture partielle ».
112 2 - Que veut-on cartographier ?
Il faut savoir que, dans le cas de capteurs de coque, par exemple les sondeurs multifaisceaux et les SACLAF, la largeur de fauchée augmente avec la profondeur de l’eau, alors que dans le cas de systèmes remorqués maintenus à une altitude constante au-dessus du fond, la largeur de fauchée est constante (voir l’illustration). Par conséquent, les systèmes remorqués donnent une couverture plus grande dans les zones de petit fond, et les systèmes de coque dans les eaux plus profondes. Cela peut avoir des effets sur le choix du système acoustique et sur la rentabilité des levés. Si les conditions le permettent, il est conseillé de faire fonctionner simultanément plusieurs systèmes acoustiques, qui fournissent des types de données complémentaires. Il faut attendre l’étape d’optimisation de la télédétection pour déterminer l’espacement entre les fauchées, mais le cahier des charges des levés doit indiquer le type de capteur acoustique à utiliser ainsi que le caractère total ou partiel de la couverture voulue.
Effet d’une augmentation de la profondeur de l’eau sur la largeur de fauchée de systèmes acoustiques de coque (sondeur multifaisceaux et SACLAF) et remorqués (sonar à balayage latéral)
On peut considérer que les systèmes acoustiques de classification automatique des natures de fonds (SACLAF) fournissent une suite d’échantillons ponctuels le long de la fauchée. En fonctionnement normal à une profondeur modérée (moins de 30 m), on arrive
à une limite de résolution spatiale de 25 m. Si l’on effectue plusieurs fauchées dans une zone de levés, cela permet de percevoir un motif de types de terrain (voir l’illustration). On applique des techniques d’interpolation (par ordinateur) pour obtenir une image matricielle
à couverture « pseudo-totale » qui permet de segmenter la zone de levés. Dans le cas de levés par SACLAF, l’espacement entre les fauchées constitue la principale question de stratégie à considérer, puisque l’interpolation entre les fauchées devient de moins en moins fiable à mesure que l’espacement entre fauchées augmente. Un espacement de
50 m est considéré comme un minimum habituel, et un espacement de plus de 500 m n’est pas recommandé (Foster-Smith, 2007). De nos jours, on tend à favoriser l’emploi de systèmes acoustiques à fauchée continue, à cause de leur plus grand pouvoir de
résolution, mais on utilise souvent un SACLAF comme système secondaire, car il peut aider à interpréter les images des fauchées.
2 - Que veut-on cartographier ? 113
Exemple de résultat d’un levé par SACLAF. Les différentes couleurs correspondent à divers types de terrain.
En résumé, pour la cartographie des habitats marins, les levés à couverture totale sont fortement souhaitables, car ils permettent une segmentation du territoire en fonction de structures à échelle fine, intermédiaire et globale. Ils sont également les plus fiables pour des travaux de cartographie directe. Il est toujours possible de généraliser les détails afin d’obtenir des cartes à échelle globale de grands territoires. Les levés à couverture partielle peuvent pour leur part répondre aux besoins de programmes de cartographie à
échelle intermédiaire ou globale, tout en permettant des économies substantielles.
2.3.3.1 - Télédétection en zone de petit fond
À mesure que l’on s’éloigne du littoral en direction de la haute mer, la télédétection optique perd rapidement de son efficacité, jusqu’à devenir complètement « aveugle » à une profondeur de 10 à 20 m (selon la turbidité de l’eau). Par conséquent, une simple couverture totale ne garantit pas l’acquisition de données pour toute une zone ; à certains endroits, les conditions du milieu (profondeur et turbidité de l’eau) limitent l’efficacité des moyens optiques de télédétection. Ces lacunes dans les données peuvent être comblées par des levés acoustiques en zone de petit fond. Par contre, les moyens acoustiques ont une capacité limitée au voisinage d’un littoral rocheux complexe, et le coût de ces levés par unité d’aire est élevé en raison de l’étroitesse des fauchées des systèmes acoustiques en eau peu profonde.
114 2 - Que veut-on cartographier ?
Les techniques de télédétection optique perdent de leur efficacité à mesure que la profondeur de l’eau augmente. Noter la détérioration des données bathymétriques d’un lidar (points de couleur) en eau profonde.
Même une couverture totale d’une zone de petit fond par deux techniques (p. ex. levés bathymétriques et imagerie) donne généralement une mosaïque de sous-zones où aucune, une ou les deux techniques se sont avérées efficaces. Les lacunes restantes doivent être comblées par des techniques d’interpolation, accompagnées le cas échéant d’une campagne de terrain plus importante qu’ailleurs. À cet égard, il vaut la peine de visionner le diaporama de l’ étude de cas de l’archipel de Glénan (voir le fichier Glenan survey strategy.ppt
) et de considérer la mosaïque des couvertures par la variété des techniques de télédétection.
Une autre étude de cas du programme français Rebent est présentée dans le document
Mapping shallow coastal habitats.pdf
. Elle montre l’application et l’utilité de techniques acoustiques pour la cartographie des habitats benthiques en zone littorale de petit fond.
2 - Que veut-on cartographier ? 115
2.3.3.2 - Levés acoustiques à couverture partielle
La suite de figures ci-contre illustre comment le niveau de détail du rendu cartographique augmente avec le degré de couverture. Un levé à échelle globale a été effectué à l’aide d’un sonar à balayage latéral, avec des fauchées de plus en plus rapprochées.
(Coggan, 2006). Chaque fauchée a été interprétée séparément, et les couleurs représentent différentes classes de sédiments et de figures sédimentaires
(p. ex. rides de sable, rubans graveleux, etc.). Une carte à couverture quasi-totale a ensuite été produite par interpolation (à l’œil) entre les fauchées interprétées.
Avec l’augmentation du degré de
couverture, l’interpolation était guidée davantage par un contenu en information et moins par des suppositions, réduisant d’autant l’incertitude associée à la carte finale. La carte produite à partir de fauchées espacées de 4 km (pour un avait laissé de côté certaines figures
sédimentaires importantes qui sont apparues sur la carte produite à partir de fauchées espacées de 2 km et de 1 km
(degré de couverture d’environ 33 % et
50 % respectivement).
Il y a eu moins de différence entre les
cartes produites avec des espacements de 2 et de 1 km entre les fauchées qu’entre les cartes produites avec des espacements de 4 et de 2 km. La carte
« à 1 km » contenait plus de petits détails que celle « à 2 km », mais les deux
cartes étaient en général très semblables. Cela indique que la plupart des variations à échelle globale dans ce territoire ont été saisies avec un degré de
couverture se situant entre 30 et 50 %. Il faut noter que, dans un autre territoire, un degré de couverture différent pourrait
être nécessaire pour obtenir le même niveau d’exactitude.
On a effectué un levé à couverture totale même territoire, mais l’amélioration de cette partie de la carte a été minime, car l’interpolation était devenue très exacte sur la
carte « à 1 km ». Comme une couverture totale coûte deux fois plus cher qu’une couverture à 50 %, le gain minime ne semble pas justifier le coût supplémentaire de tels levés à échelle globale. Le diaporama PowerPoint Remote sensing coverage.pps aide à visualiser les différences entre ces cartes.
116 2 - Que veut-on cartographier ?
Lorsque l’on fait le levé de zones moins étendues, il n’y a généralement pas d’obstacle financier à la réalisation de levés acoustiques à couverture totale, car les coûts totaux en cause sont en principe beaucoup plus abordables que dans le cas de grands territoires
(quelques milliers d’euros contre des centaines de milliers ou des millions). En outre, le besoin d’un niveau plus élevé de détail, de fiabilité et d’exactitude est en général plus grand dans le cas de levés à échelle fine de sites précis, et une couverture totale est alors recommandée.
Des compromis sont inévitables entre d’une part une couverture réduite et donc une
fiabilité moindre de la carte, et d’autre part le besoin de doser l’utilisation de ressources
(budget, temps et personnel) pour obtenir des levés et donc une carte d’une certaine qualité. Il n’y a pas de réponse empirique à la question : « Quel degré de couverture faut-il pour obtenir une carte du niveau de fiabilité voulu ? », car cela dépend en grande partie de la façon dont on atteint un degré de couverture donné et du degré d’hétérogénéité du territoire à cartographier. Il est évident que la fiabilité d’une carte produite avec un degré
de couverture de 30 % sera supérieure pour une zone homogène de sable fin que pour une zone hétérogène de substrats mixtes et d’affleurements rocheux.
L’important est de savoir reconnaître le point où la fiabilité des résultats des levés devient inférieure au seuil acceptable défini dans le rapport sur la portée du programme.
Inévitablement, les bailleurs de fonds exerceront des pressions ou feront eux-mêmes l’objet de pressions pour réduire les coûts en diminuant le degré de couverture, ou pour augmenter la rentabilité apparente des levés en répartissant des ressources fixes sur un territoire plus grand. Il est donc important de faire cette comparaison avec les seuils définis dans le rapport sur la portée du programme, afin d’éviter des situations de fausses
économies et de sous-financement.
Dans le cas d’un programme de cartographie à échelle globale (grand territoire avec
résolution et exactitude limitées), le degré de couverture est probablement limité (par les coûts) à moins de 50 %. Les levés acoustiques doivent donc viser à détecter les changements de faciès à échelle globale (type de sédiment et figures sédimentaires), car ce genre d’information est pertinent à l’échelle visée. Comme l’échelle des figures
sédimentaires est généralement plus globale que la largeur de fauchée d’un sonar à balayage latéral ou multifaisceaux, des fauchées isolées sont rarement efficaces pour identifier et cartographier de telles structures. Deux études récentes (Mackie et al., 2006 et James et al., 2007) ont montré qu’une approche de « corridors » peut constituer une stratégie efficace de levés acoustiques. Cette approche consiste à faire plusieurs fauchées contiguës afin d’obtenir une couverture totale sur un corridor de 1 km de largeur, ce qui permet de beaucoup mieux apprécier la nature des figures sédimentaires. On obtient une interprétation d’un grand territoire en faisant des levés de plusieurs corridors.
2 - Que veut-on cartographier ? 117
L’exemple illustré ici est celui de la partie ouest du chenal de Bristol (Mackie et al., 2006), où chaque corridor a été levé à l’aide d’un ensemble de trois systèmes géophysiques : un sondeur multifaisceaux, un sonar à balayage latéral et un profileur à réflexion (boomer remorqué à la surface). La mosaïque de 1 km de largeur donnée par le sondeur multifaisceaux a permis d’identifier de manière fiable les grandes et petites figures
sédimentaires, alors que le sonar à balayage latéral et le profilage sismique ont fourni plus d’information sur la nature des substrats.
Dans tous les cas où l’on ne dispose d’aucun levé acoustique antérieur, il est fortement conseillé de procéder à un bref levé « pilote » du territoire. Une grille rudimentaire de fauchées peut donner une information précieuse sur l’hétérogénéité du fond, qui permettra de prendre des décisions éclairées quant au degré de couverture nécessaire pour les levés par télédétection.
2.3.4 - Stratégie d’une campagne de terrain
À ce stade du processus de planification, la principale question à considérer concernant la campagne de terrain est celle de la stratégie générale d’échantillonnage, qui doit viser un
équilibre entre coûts et efficacité. Trop peu d’échantillons limitent fortement les possibilités d’analyse et la capacité de classification des habitats, alors que trop d’échantillons prennent beaucoup de temps et d’argent à traiter. Comme la stratégie d’échantillonnage a des effets sur la fiabilité des cartes résultantes, il faut viser un échantillonnage représentatif adapté à la finalité précise du programme de cartographie.
Ce point est illustré par le schéma ci-après, qui représente quatre stratégies théoriques d’échantillonnage. Les polygones de couleur représentent la segmentation du territoire en types de terrain obtenue par télédétection. La première stratégie consiste à échantillonner chaque type de terrain une seule fois, ce qui permet de faire des comparaisons entre les types de terrain, mais oblige à supposer que chacun des types de terrain est homogène.
La deuxième stratégie consiste à obtenir un seul échantillon de chaque zone du territoire segmenté, afin de faire des comparaisons rudimentaires entre des segments de même type aussi bien que de types différents. La troisième stratégie consiste à avoir plusieurs
stations d’échantillonnage dans un seul segment de chaque type de terrain, ce qui permet de tester l’homogénéité de ce segment, mais oblige à supposer que ce segment est représentatif de tous les segments de ce type. La quatrième stratégie consiste à avoir plusieurs stations d’échantillonnage de chacun des segments de tous les types de terrain.
Cela permet une analyse complète des variations des segments de même type et de types différents.
118 2 - Que veut-on cartographier ?
Schéma de quatre stratégies d’échantillonnage
La première stratégie constitue le minimum pour un échantillonnage sur le terrain. Si un type de terrain n’est pas échantillonné, il est impossible de lui affecter une classe d’habitat. La quatrième stratégie serait hautement souhaitable, mais dans la plupart des cas elle n’est pas réalisable en raison du grand nombre de segments à échantillonner et du grand nombre de types de terrain. Elle peut s’appliquer à une étude de suivi propre à un site, où ce niveau de détail est nécessaire, ou à une zone comportant peu de types de terrain, d’où un nombre raisonnable d’échantillons. Dans la pratique, les stratégies d’échantillonnage ne sont pas souvent conformes aux modèles théoriques présentés ici, et dans bien des cas la solution pratique se situe quelque part entre les stratégies 2 et 3, avec un échantillonnage de tous les types de terrain et un certain nombre de réplicats représentatifs de chaque type.
Il faut aussi songer au besoin d’échantillons de validation. Ce sont des échantillons recueillis dans le cours normal de la campagne de terrain, mais qui ne sont pas utilisés pour produire une carte. Ils sont plutôt mis de côté et servent à tester la classification et la
précision spatiale de la carte une fois que celle-ci est produite. Les échantillons de validation doivent faire partie intégrante de tout programme qui repose en grande partie sur la modélisation, car de tels tests formels d’exactitude jouent un rôle important dans l’évaluation de la fiabilité du rendu cartographique. On a rarement recours à des
échantillons de validation dans les programmes de cartographie directe où l’affectation de
classes d’habitat aux types de terrain est fondée sur l’observation plutôt que sur une analyse empirique ou sur la modélisation.
La stratégie de la campagne de terrain doit également tenir compte de la nécessité de stratifier l’échantillonnage en fonction des gradients des variables environnementales dont l’influence sur les caractéristiques des habitats est connue. Le tableau ci-après montre quatre de ces variables et des stratifications suggérées. En général une variable exerce l’influence principale, par exemple la salinité dans un estuaire, l’exposition aux vagues sur un littoral ou la profondeur en domaine subtidal. Parfois, une variable secondaire a une influence dans certaines parties du territoire levé, comme les courants de marée dans un
étroit bras de mer. La stratification de plusieurs variables peut donner une matrice énorme rendant l’échantillonnage impossible en pratique. Il est donc préférable de mettre l’accent
2 - Que veut-on cartographier ? 119 sur les variables dont les valeurs dans le territoire levé ont le plus d’influence sur le type d’habitat.
Stratification de variables environnementales
Profondeur sous le niveau des basses eaux
(mètres)
Exposition aux vagues
(catégorie)
Salinité
(parties/1000)
0–10
Extrêmement abrité
Faible
(< 18)
Courant de marée maximal
(nœuds) [m/s]
Très faible
([négligeable])
50–100
Modérément abrité
Réduite
(18–30)
Normale
(30–35)
Variable
(18
↔35)
Faible
(< 1) [< 0,5]
Modéré
(1–3) [0,5–1,5]
Fort
(3–6) [1,5–3]
100–200 Exposé
Très fort
(> 6) [> 3]
500–1000
> 1000
Extrêmement exposé
Lorsque le territoire à lever comprend un certain nombre d’étages ou zones biologiques reconnues (littorale, infralittorale, circalittorale, comme dans le schéma ci-après extrait de
Connor et al., 2004), il faut accorder la priorité à l’échantillonnage de chacune de ces zones avant de considérer toute stratification supplémentaire selon des variables environnementales. Ces zones biologiques sont le reflet d’une stratification verticale des conditions du milieu dans l’environnement marin et de l’influence fondamentale que ces conditions ont eue sur la nature des habitats.
120 2 - Que veut-on cartographier ?
Zonage biologique d’habitats marins, extrait de la typologie des habitats marins de Grande-Bretagne et d'Irlande, version 04.05 (Connor et al., 2004)
Enfin, il n’est généralement pas approprié de spécifier à ce stade de la planification les outils ou techniques d’échantillonnage sur le terrain à utiliser, parce que ce choix dépendra du résultat des levés par télédétection. Par contre, selon les besoins d’information, la stratégie peut indiquer que l’échantillonnage sera limité à une famille particulière de techniques ou devra en exclure certaines autres. Par exemple, si les levés visent la cartographie d’un habitat particulièrement rare ou fragile, il sera important de spécifier dans la stratégie de la campagne de terrain qu’aucune technique destructive d’échantillonnage ne devra être employée et que toute l’information devra être acquise exclusivement par observation.
2.3.5 - Cahier des charges des levés
Le cahier des charges des levés doit comprendre :
– les types de données et de métadonnées nécessaires ;
– les normes relatives à la qualité des données ;
– la part relative de la télédétection et de la campagne de terrain ;
– la quantité de données requise (en tenant compte de la « réserve » pour la validation) ;
– les stratégies possibles de réalisation des levés (complets, imbriqués).
Les levés d’habitats sont susceptibles de consommer beaucoup de ressources (temps, budget, équipement et personnel). Il est donc important d’optimiser la stratégie de réalisation et le plan de campagne des levés afin d’utiliser les ressources disponibles avec le maximum d’efficacité. Le programme des levés définit les types de données à acquérir, et il faut pour cela faire appel à diverses techniques de levé et d’échantillonnage.
Souvent, les étapes du travail doivent être accomplies dans un ordre logique déterminé. Il
2 - Que veut-on cartographier ? 121 est courant de faire d’abord une campagne de télédétection pour tracer une ébauche de
carte physique, qui permet d’orienter le choix des sites de la campagne de terrain.
La
stratégie de réalisation des levés porte sur des facteurs tels que :
– les techniques d’échantillonnage (à distance et sur le terrain) à utiliser ;
– l’ordre logique des étapes du travail (télédétection, puis campagne de terrain) ;
– le plan de campagne des levés (fondés sur une grille, stratifiés, stratifiés de manière aléatoire, imbriqués) ;
– la stratégie d’échantillonnage sur le terrain, notamment la combinaison de techniques à utiliser et le nombre de réplicats.
Après avoir déterminé les données manquantes à acquérir, on peut établir le cahier des charges du programme de levés. Ces levés se subdiviseront probablement de façon naturelle en deux phases, la première faisant surtout appel à la télédétection, et la seconde à une campagne de terrain. Les paramètres de la campagne de terrain dépendront souvent des résultats de la campagne de télédétection. Le cahier des charges du programme de levés doit mentionner les normes pertinentes et les protocoles à utiliser pour l’acquisition et le traitement des données.
Programme de levés — Zone X de la Manche
Phase 1
Télédétection
Phase 2
Échantillonnage sur le terrain
Faire de nouveaux levés acoustiques de la zone X :
– bathymétrie à couverture totale par sondeur multifaisceaux, conformément à la norme « Ordre 1 » de l’OHI ;
– acquisition simultanée de données par sondeur multifaisceaux et sonar à balayage latéral (combinés le cas échéant avec un profilage sismique) ;
– interprétation des données sonar pour délimiter les zones acoustiquement distinctes et caractériser les faciès et les figures sédimentaires auxquelles elles correspondent.
Faire un échantillonnage orienté sur le terrain pour chaque zone acoustiquement distincte identifiée au cours de la phase 1, en suivant les normes et protocoles des lignes directrices opérationnelles recommandées de
M
ESH
.
Stratifier l’échantillonnage selon 2 paramètres :
1) deux strates de profondeur : de 10 à 20 m et plus de 20 m ;
2) zones acoustiquement distinctes.
Pour chaque profondeur, échantillonner des substrats représentatifs afin de déterminer : la nature physique du sédiment (lithologie, granulométrie –classification de
Folk) ; la netteté des frontières entre zones acoustiquement distinctes ; la variabilité des substrats au sein de chaque zone acoustiquement distincte ; la composition spécifique de l’endofaune dans les sédiments non consolidés
(analyse quantitative, abondance et biomasse) ; la composition spécifique de l’épifaune sur les sédiments non consolidés
(analyse semi-quantitative, abondance et biomasse pour les formes errantes, abondance relative et biomasse pour les formes non errantes) ; la composition spécifique de la faune fixée sur les sédiments consolidés
(analyse semi-quantitative, abondance relative) l’association entre la faune fixée et le type de substrat (observation vidéo) ; la nature des organismes qui donnent une structure à l’habitat (p. ex. récifs biogènes).
Exemple fictif de programme de levés au large des côtes de la Manche

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