1.3 - Qu'est-ce qu'un habitat ?. IFREMER des habitats marins
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 23
– planification de levés plus détaillés : La planification de levés à partir de connaissances préalables d'une région constitue une extension très importante de l'utilisation des
cartes d'habitats. Les cartes à échelle globale peuvent servir à planifier des levés plus détaillés en assurant une couverture adéquate et équilibrée de la gamme d'habitats.
De la même manière, les cartes de base résultant de levés effectués par télédétection servent à planifier des campagnes d'échantillonnage qui permettront de valider sur le terrain les données de télédétection. L'utilisation de cartes pour cette planification favorise une utilisation optimale des ressources affectées aux levés détaillés.
1.2.3.4 - Cartographie des évolutions et suivi de l'efficacité de gestion
Les cartes d'habitats jouent un rôle important lorsqu'il s'agit d'évaluer l'ampleur spatiale des effets nocifs de l'activité humaine sur l'environnement marin ainsi que l'efficacité des mesures de gestion qui visent à contrôler cette activité. Les cartes d'habitats peuvent se révéler utiles pour :
– la mise sur pied de programmes de surveillance ou de suivi . Les cartes d'habitats à
échelle globale sont utiles pour la mise sur pied de programmes pertinents de
surveillance ou de suivi. Il peut être nécessaire de choisir un nombre limité de sites qui feront l'objet d’échantillonnages détaillés à intervalles réguliers (p. ex. pour faire le suivi de la population d'espèces d’intérêt particulier, de la diversité générale des espèces, de la biomasse et de la productivité). Ces sites doivent être choisis de telle sorte que les données ne soient pas sensibles aux petites fluctuations des frontières d’habitats ou à un positionnement imprécis. Autrement dit, les cartes d'habitats peuvent indiquer où se trouvent les grandes zones homogènes convenant à des stations de
surveillance. La surveillance peut également exiger la répétition de profils. Là encore, les cartes d'habitats permettent de choisir les endroits appropriés ;
– les levés à distance servant d'outils de surveillance ou de suiv. On pourrait utiliser des techniques de levés à échelle globale en conjonction avec d'autres techniques de levés plus détaillées pour détecter des modifications importantes dans la répartition des habitats. La détection de tels changements pourrait donner lieu à des levés plus ciblés et détaillés.
1.3 - Qu'est-ce qu'un habitat ?
Au départ, le terme habitat
est défini comme le lieu où vit un animal ou une plante (c.-à-d. une seule espèce). Cette notion peut toutefois être étendue pour inclure plusieurs espèces (formant une « communauté »
ou une « biocénose »). Dans M
ESH
, le terme
habitat englobe les paramètres physiques et environnementaux qui soutiennent une
biocénose donnée, ainsi que la biocénose elle-même. Ainsi, un herbier de phanérogames marines sur fond sableux en eau peu profonde est considéré comme un habitat différent d'un récif rocheux où vivent des Laminaires et d'autres algues. De la même manière, on peut subdiviser davantage les habitats de sorte que l'on distingue sur un récif rocheux les
habitats où vivent des forêts de Laminaires et ceux où vivent des algues filamenteuses et foliacées. La figure suivante montre des exemples d'habitats.
24 1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ?
Un habitat est défini par une biocénose et par la structure physique qui l’héberge, par exemple littoral rocheux avec des algues, herbier de phanérogames marines sur fond sableux, récifs rocheux profonds et plumes de mer sur fond vaseux.
Dans la nature, les paramètres physiques, environnementaux et biologiques
(température, salinité, profondeur, répartition géographique des espèces) changent progressivement d'un endroit à l'autre, et il y a peu de frontières nettes ou de discontinuités. Il est extrêmement difficile de visualiser et de décrire un habitat sans introduire de subdivisions claires de ces principaux paramètres. Pour simplifier, prenons un exemple où les habitats ne sont définis que par deux paramètres physiques, dont chacun est subdivisé en trois. Il y a neuf combinaisons possibles des deux paramètres physiques réunis (voir le schéma ci-après). Ces combinaisons sont des classes.
L'environnement marin comporte de nombreux paramètres physiques et un grand nombre d'organismes, de sorte que le processus de classification est plus complexe et donne un bien plus grand nombre d'habitats.
On définit des classes d'habitat en traçant des frontières claires sur des variables continues.
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 25
Une typologie des habitats vise à définir les habitats d'une façon cohérente, de sorte que des données semblables soient constamment associées à des types d'habitat précis, afin que l'on puisse comparer ces données entre régions géographiques ou d'une époque
à une autre. Une typologie des habitats est conçue de manière à ce que l’affectation des types d'habitat soit faite de façon constante par des personnes différentes, peu importe la région géographique. Il existe plusieurs typologies des habitats parce que la subdivision de l'environnement correspond à des besoins différents des utilisateurs. Les typologies sont souvent hiérarchiques : des habitats définis globalement sont subdivisés en unités de plus en plus fines, afin de répondre aux besoins d'utilisateurs qui requièrent des niveaux de détail différents. À titre d'exemple, un habitat de Laminaires peut d'abord être subdivisé en forêt de Laminaires (plantes densément regroupées) et prairie de Laminaires (plantes
éparpillées), puis être subdivisé davantage en fonction de diverses espèces de
Laminaires ainsi que des plantes et animaux qui leur sont associés (voir la figure ciaprès).
Exemple de typologie hiérarchique des habitats benthiques, développée pour montrer en détail les
habitats
de Laminaires
Les cartes
d'habitats ont une signification particulière dans le contexte du projet M
ESH
: les cartes d'habitats benthiques montrent une prédiction de l'étendue géographique et des frontières des classes d'habitat. Les cartes d'habitats montrent la taille et la forme des
habitats ainsi que les liens entre eux et la manière dont ils s’emboîtent. L'homogénéité ou l’hétérogénéité des habitats et les liens entre eux sont des éléments écologiques importants que l'on peut évaluer à partir de cartes d'habitats. La figure ci-après donne un exemple de carte d’habitats.
26 1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ?
Une carte d’habitats comme celle-ci (côte sud de la Bretagne) montre la répartition des classes d'habitat.
Dans le contexte de levés et de cartographie du Guide M
ESH
, le terme habitat désigne à la fois le milieu physique et la biocénose correspondante. Par conséquent, la cartographie des habitats englobe des structures écologiques pertinentes et va au-delà de la
cartographie des caractéristiques purement physiques (p. ex. les sédiments benthiques), même si ces derniers permettent souvent de déduire beaucoup de choses à propos des
habitats. Il est important de souligner que :
Une carte des habitats est une représentation de notre meilleure estimation de la répartition des habitats à un moment donné, compte tenu des connaissances disponibles à ce moment.
L’étape la plus importante au début du processus de cartographie des habitats consiste à définir clairement le type d'habitat à cartographier ; les décisions cruciales qui en découlent portent sur le territoire à cartographier et le niveau de détail à représenter sur la
carte finale.
1.3.1 - Définition d'un habitat
Charles Darwin (1859) a défini un habitat comme le lieu où une plante ou un animal vit naturellement. Cette définition classique est toujours valable aujourd'hui et se rapporte essentiellement au milieu dans lequel vit une espèce donnée. Cependant, pour les fins de la cartographie des habitats, on étend généralement le concept pour définir un habitat comme le lieu où plusieurs espèces vivent ensemble dans des conditions environnementales semblables, de telle sorte que l'on peut distinguer un habitat des
habitats voisins sur la base des espèces présentes et de ses caractéristiques physiques
(p. ex. type de fond marin, courants de marée, salinité, etc.). Dans ce contexte, on considère souvent que les espèces sont associées dans une biocénose, et la combinaison des espèces et de leur environnement s'appelle un habitat. Sur terre, on peut ainsi distinguer une forêt d'une prairie ou d'herbages, et les représenter sur une carte sur la base de leurs différentes caractéristiques physiques et biologiques. Ce concept s'applique également au milieu marin et conduit à la description et à la représentation
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 27 cartographique d'habitats tels que des vasières, des forêts de Laminaires et des herbiers de phanérogames marines.
Cette acception multi-espèce du terme habitat constitue le fondement de la cartographie des habitats marins et est au cœur de ce Guide M
ESH
. La cartographie des habitats pour une seule espèce (selon le concept original de Darwin) est souvent utile dans le cas d'espèces de grande taille et mobiles, telles que des Poissons et des Mammifères, qui peuvent occuper une grande variété de milieux ; ce type de cartographie n'est pas abordé dans ce Guide.
On peut également définir des habitats pour la colonne d'eau ou milieu pélagique, mais la représentation de leur répartition géographique est plus difficile étant donné que toute
carte doit alors inclure une troisième dimension, celle de la profondeur. Le projet M
ESH
n'a porté que sur la cartographie du fond de la mer, et ces habitats pélagiques ne sont pas abordés dans ce Guide M
ESH
.
Malheureusement, le terme habitat est couramment employé dans un sens général et avec une définition beaucoup plus large dans de nombreux cercles scientifiques, de même que dans les domaines juridique, politique et de la gestion. Par exemple, la
Convention OSPAR définit une liste d'habitats rares, menacés ou en déclin qui englobe des structures telles que des « monts sous-marins », qui sont apparentés à une structure physique bien davantage qu'à un habitat au sens précis tel qu'on l'entend dans le Guide
M
ESH
.
Les partenaires du projet M
ESH
et donc le présent Guide M
ESH
ont adopté le terme
habitat couramment employé, qui inclut à la fois les caractéristiques physiques et biologiques d'une zone du fond marin.
1.3.1.1 - Le concept d’écotope – une relation entre les espèces et leur milieu
Au sens strict, le terme habitat désigne le milieu dans lequel des espèces vivent. Dans le monde marin, un habitat benthique peut être décrit par son substrat (rochers, sédiments ou récifs d'origine biologique, p. ex. formés par des moules), sa topographie et ses conditions particulières d'exposition aux vagues, sa salinité, ses courants de marée et diverses caractéristiques de qualité de l'eau (p. ex. turbidité, teneur en oxygène, nutriments), qui contribuent à la nature des lieux sur le littoral ou au fond de la mer
(Connor et al., 2004).
Des types de biotope différents hébergent différentes espèces. Bien que chaque espèce ait ses propres besoins écologiques, autrement dit sa propre niche, on observe souvent qu'un ensemble d'espèces sont constamment présentes en même temps dans un type donné d'habitat, à cause de leur préférence pour des conditions environnementales semblables. À titre d'exemple, une vasière intertidale d'un estuaire héberge typiquement un ensemble de vers Polychètes et de Mollusques bivalves, alors qu'un habitat rocheux subtidal de petit fond héberge une forêt de Laminaires avec les autres algues et les
Invertébrés qui lui sont associés. De telles combinaisons d'espèces que l'on retrouve dans des milieux semblables portent le nom de communauté ou biocénose.
Même si les caractéristiques d'une biocénose (composition et densité relative des espèces) sont influencées par des interactions biologiques (p. ex. prédation, processus de recrutement) et par l'interférence de certaines activités humaines, elles sont très fortement déterminées par la nature des conditions abiotiques ambiantes. Certaines espèces ne peuvent vivre que dans la vase et non dans le sable, le gravier ou sur un rocher, en raison de leur morphologie ou de leur mode d'alimentation ; d'autres, pour des raisons physiologiques, ont besoin d'une eau constamment salée et ne tolèrent pas les variations de salinité des estuaires. Le terme écotope rend compte de cette relation constante entre
éléments biotiques et abiotiques d'un milieu : un écotope peut se définir comme la combinaison d'un biotope et de la biocénose correspondante.
28 1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ?
Dans le contexte de levés et de cartographie du Guide M
ESH
, le terme habitat désigne à la fois le milieu physique et la biocénose correspondante, et est donc synonyme de
écotope. Par conséquent, la cartographie des habitats englobe des caractéristiques
écologiques pertinentes et va au-delà de la cartographie des caractéristiques purement physiques (p. ex. les sédiments benthiques), même si ces dernières permettent souvent de déduire beaucoup de choses à propos des habitats.
1.3.1.2 - Termes scientifiques connexes
Au cours des années, des scientifiques ont adopté un certain nombre de termes, tels que
écotope, physiotope, association, biocénose et assemblage, pour décrire divers aspects des habitats et des communautés. Certains de ces termes ont un sens très précis.
D'autres, qui ont des significations semblables, coexistent pour des raisons d'usage ou à cause de leur région d'origine. Voir à ce sujet l'article de Olenin & Ducrotoy (2006).
D'autre part, le rapport de 2006 du groupe de travail du CIEM sur la cartographie des
habitats
aborde en détail la définition du terme habitat.
1.3.1.3 - Utilisation du terme habitat dans les domaines juridique et politique
Dans les domaines juridique et politique, le terme habitat inclut le plus souvent les composantes abiotique et biologique, et il correspond donc au concept d’écotope. Des documents de politiques internationaux en matière d'environnement, dont l’ Annexe I de la directive 92/43 de la CE concernant les habitats naturels , les conventions OSPAR et
HELCOM , ainsi que des documents nationaux tels que le UK Biodiversity Action Plan , comprennent les listes de types d'habitat qui requièrent des mesures spécifiques de conservation et de gestion. Le terme habitat dans ce contexte englobe en général les
communautés d'espèces et leur milieu physique, et correspond donc à son acception la plus répandue.
1.3.2 - Pourquoi a-t-on besoin de classifier les habitats ?
Deux raisons principales motivent l'utilisation de classes d'habitat :
– premièrement, elles constituent un moyen de réduire la complexité du monde naturel afin de le rendre plus compréhensible. Des données multivariées (espèces multiples et variables environnementales) sont synthétisées dans un nombre raisonnable de
classes qui contiennent l'information biologique pertinente. Une bonne typologie aide à interpréter ces données de manière à produire de l'information et à enrichir notre connaissance de l'environnement ;
– deuxièmement, les classes permettent de comparer des choses semblables. Par exemple, lorsque l'on classe des bouteilles de verre par leur couleur pour les recycler, il est facile ensuite de déposer des bouteilles dans le conteneur approprié en les comparant avec les « classes » ainsi définies. Dans le domaine des habitats marins, il n'est probablement pas très utile de comparer la diversité des espèces d'une forêt de
Laminaires et d'une plaine sableuse, mais la comparaison de la richesse relative d'une forêt de Laminaires dans un milieu touché par l'activité humaine et dans un milieu vierge peut être utile à des fins de gestion environnementale.
En général, les types d'habitat sont organisés en une typologie, souvent hiérarchique, que l'on peut définir comme un système structuré de types d'habitat (les classes) clairement définis et qui se répètent en différents lieux géographiques.
La classification d'échantillons en types d'habitat peut faire partie de l'analyse des données acquises au cours d'une seule étude, et la typologie correspondante n'être pertinente que dans le cadre de cette étude. Ou encore, les données peuvent être classées selon une typologie existante qui permet d'inscrire une répartition locale des
habitats dans un contexte géographique plus large en faisant une comparaison avec
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 29 d'autres cartes. Dans la pratique, ces deux approches ne sont pas mutuellement
exclusives puisque les typologies nationales et internationales sont issues de données de terrain acquises à l'échelon local et doivent être suffisamment souples pour incorporer de nouvelles données. Historiquement, la méthode implicite consistait à définir une nouvelle
typologie locale à partir des données géographiquement limitées d'une seule étude. Cette façon de faire est de moins en moins appropriée, et ce pour un certain nombre de raisons :
– les classes cartographiées risquent de ne pas être pertinentes pour une description plus large des écosystèmes ;
– les cartes qui en résultent ne sont pas compatibles avec celles d'autres études, notamment si les classes sont déduites des données de manières très différentes ;
– il n’est pas possible de combiner les données dérivées (cartes) obtenues avec d'autres jeux de données pour produire des cartes de territoires plus grands sans devoir traduire les typologies locales en un système commun ;
– les données déduites ne permettent pas d'évaluer l'importance relative d'un habitat local dans un contexte international, national ou régional, ce qui rend l'étude moins valable pour un ensemble élargi de scientifiques et de gestionnaires ; dans lequel peuvent s'inscrire les résultats d'une étude particulière, ainsi qu'une norme au regard de laquelle les données sont interprétées. Elle permet de comparer des
habitats semblables dans un territoire étendu. Les utilisateurs demandent de plus en plus une telle interprétation normalisée des données, car ils veulent connaître la pertinence des données cartographiées au cours d'une étude locale, dans un contexte régional, national ou international élargi.
La normalisation des données cartographiques existantes sur les habitats dans une même typologie et l'élaboration de lignes directrices pour promouvoir une interprétation davantage normalisée de nouvelles données ont constitué deux objectifs importants du projet M
ESH
.
1.3.3 - Qu'est-ce qu'une typologie des habitats ?
On peut définir une typologie des habitats comme un système structuré, souvent hiérarchique, de types d'habitat (les classes) clairement définis et qui se répètent en différents lieux géographiques. Une bonne compréhension de l'organisation d'une
typologie est un préalable à toute utilisation de cette typologie en cartographie. Il existe dans le monde de nombreuses typologies des habitats marins. Beaucoup d'entre elles ont une structure hiérarchique, mais d'autres fournissent plutôt une liste structurée de caractéristiques des habitats. Dans une typologie hiérarchique, les classes d'habitat sont décrites à divers niveaux de détail et sont imbriquées de telle sorte qu'un grand nombre d'habitats définis de manière détaillée soient inclus dans un nombre plus restreint de
classes plus générales. Les habitats détaillés (aux plus bas niveaux de la hiérarchie) qui sont regroupés dans une même classe de niveau supérieur sont plus semblables entre eux que des habitats appartenant à des classes de niveau supérieur différentes.
Une typologie globale doit être bien gérée afin que les classes soient pertinentes tout en
évitant une prolifération inutile de classes. Le principe directeur est qu'une classe doit exister dans des conditions environnementales semblables dans d'autres régions géographiques pour justifier son inclusion dans une typologie.
Comme les typologies évoluent et se développent, on observe une tendance à publier périodiquement de nouvelles versions, qui peuvent différer sensiblement des précédentes
(en particulier au cours de la phase d'élaboration d'une typologie). Par conséquent, les analyses d'échantillons ou les cartes réalisées à l'aide de versions différentes d'une
30 1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? même typologie risquent d'être plus ou moins incompatibles ou d'exiger une traduction particulière. Tous les intervenants d'un programme de cartographie doivent être au courant des développements de la typologie. Etonnamment, cet aspect est assez souvent négligé, en particulier lorsqu'un programme fait intervenir plusieurs contractants.
1.3.4 - Quelles typologies sont disponibles ?
En Europe, il y a une typologie paneuropéenne unique et un certain nombre de typologies
« nationales » et « locales » des habitats, qui englobent les habitats marins. Ces
typologies sont brièvement présentées ci-après. Elles visent à favoriser une interprétation constante des données sur les habitats, dans un contexte de conservation de la nature, afin de mieux prioriser les actions de conservation et de soutenir la gestion des aires protégées.
L'Agence européenne pour l'environnement (AEE) a élaboré une typologie des habitats pour son système E
UNIS
(EUropean Nature Information System – Système européen
d’information sur la nature) de gestion de l'information sur les espèces, les sites et les
habitats. La typologie E
UNIS
des habitats est une typologie paneuropéenne des habitats terrestres et aquatiques mise au point pour l'AEE par le Centre thématique européen sur la diversité biologique (CTE/DB). La version la plus récente de cette typologie est accessible dans le site Web d'E
UNIS
.
E
UNIS
est la seule typologie couvrant toutes les eaux européennes et a donc été adoptée par les partenaires du projet M
ESH
comme norme de présentation de toutes les données de cartographie des habitats. Ainsi, les données issues du projet M
ESH
sont présentées selon une typologie européenne commune, et E
UNIS
est mis à l’épreuve de façon exhaustive comme outil pour la cartographie des habitats marins. Cependant, E
UNIS
est encore en cours de développement (le JNCC est responsable de son développement pour l'Atlantique nord-est et la mer Baltique). Son utilisation dans le cadre du projet M
ESH constitue une occasion de la mettre à l'épreuve et, le cas échéant, de recommander des modifications à cette typologie afin d'assurer sa commodité d'utilisation dans l'Europe du nord-ouest. La typologie E
UNIS
des habitats est hiérarchique. Elle comporte six niveaux, et la distinction entre les habitats marins est en grande partie fondée sur les notions d’étage ou zone biologique (littorale, infralittorale, circalittorale, etc.), de type de substrat, d'énergie hydrodynamique (exposition aux vagues, force des marées), de variables environnementales (p. ex. salinité) et d'espèces caractéristiques. Un aperçu plus détaillé de la structure hiérarchique de la typologie E
UNIS
est présenté au paragraphe 1.3.4.1.
Avant l'expansion à l'environnement marin de la typologie E
UNIS
des habitats, un certain nombre de pays ont élaboré leur propre typologie marine nationale. Au Royaume-Uni, le
JNCC a mis au point la Marine Habitat Classification for Britain and Ireland (Connor et al.,
2004) ; la France a créé la typologie Z
NIEFF
-M
ER
(Dauvin et al., 1994) ; aux Pays-Bas,
Bouma et al. (2004) ont élaboré une typologie des écotopes des eaux littorales des Pays-
Bas, publiée en anglais sous le titre Dutch Ecotope System for Coastal Waters, où le terme écotope est analogue au terme habitat comme on l'entend dans le projet M
ESH
.
Ces typologies sont décrites au paragraphe 1.3.4.2 « Typologies nationales ».
De nombreuses typologies ont résulté de l'analyse d'observations sur le terrain ou d'échantillons de biocénose prélevés à distance (à la benne, par carottage ou par dragage), enrichis de données sur les conditions physiques du milieu. L'information spatiale sur ces facteurs qui définissent les habitats est souvent non disponible, ou les outils standard de télédétection ne permettent pas d'enregistrer ces facteurs (voir la section 1.6 « Quelles sont les limites de la cartographie des habitats ? »). C'est pourquoi d'autres typologies plus étroitement liées à la cartographie des habitats ont été mises au point. À titre d'exemple, la typologie des « formes de vie » (Life form classification)
élaborée au Royaume-Uni est fondée sur l’apparence générale de l'espèce dominante et sur la nature du fond de la mer (Bunker & Foster-Smith 1996) ; le fichier Lifeform
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 31
classification for mapping.doc
donne plus de renseignements sur cette typologie des formes de vie. Celle-ci a été utilisée pour la cartographie des habitats intertidaux autour du Pays de Galles (Wyn et al., 2006), ainsi que des habitats subtidaux dans les zones candidates au statut d'aires spéciales de conservation (voir le
site Web du projet d'aires marines spéciales de conservation et le site Web du Marine Monitoring Handbook
).
La typologie est beaucoup moins avancée dans le domaine des paysages marins que dans celui des habitats. Dans le cas des eaux du Royaume-Uni, une typologie des paysages marins est maintenant disponible (Connor et al., 2006) et continue d'être
élaborée dans d'autres pays qui participent au projet M
ESH
. La notion de paysage marin est équivalente à celle de « complexe d'habitats » d'E
UNIS
. À l'heure actuelle, très peu de complexes d'habitats sont définis dans E
UNIS
.
1.3.4.1 - La typologie E
UNIS
des habitats marins
L’Agence européenne pour l'environnement (AEE) a élaboré une typologie des habitats pour son système E
UNIS
(EUropean Nature Information System - Système européen
d’information sur la nature) de gestion de l'information sur les espèces, les sites et les
habitats. La version la plus récente de cette typologie est accessible dans le site Web d'E
UNIS
. Il s'agit d'une typologie paneuropéenne des habitats terrestres et aquatiques mise au point pour l'AEE par le Centre thématique européen sur la diversité biologique
(CTE/DB).
La partie de la typologie Eunis qui porte sur les habitats marins est accessible en ligne.
Elle comporte six niveaux hiérarchiques. L'exemple donné ci-dessous est conçu pour aider à comprendre la structure de cette typologie. Le site Web d'E
UNIS
donne tous les détails. Les notes officielles qui accompagnent la version 2004 de la typologie E
UNIS
(y compris des schémas utiles et un glossaire) sont incluses dans le fichier
E
UNIS
_Habitat_Classification_Revised_2004.pdf
accessible dans le dossier des documents.
Au premier niveau de la hiérarchie, la typologie distingue les habitats marins (identifiés par la lettre « A ») des habitats des bords de mer et terrestres. Les niveaux suivants donnent des subdivisions supplémentaires à l'aide d'un système de numérotation (voir la figure ci-après).
Illustration de la typologie hiérarchique E
UNIS
montrant l'indication des niveaux à l'aide de codes alphanumériques (3 niveaux sur 6 illustrés)
De manière générale, le niveau 2 de la hiérarchie fait appel à la zone biologique (étage) et
à la présence ou l’absence de rochers comme critères de classification, de sorte que A1
32 1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? représente les rochers de la zone littorale et autres substrats durs, alors que A5 représente les sédiments sublittoraux (voir l'illustration). Le niveau 3 introduit l'énergie hydrodynamique dans la typologie des substrats durs, et les types de sédiment dans la
typologie des substrats plus meubles. Par exemple, A1.1 désigne les rochers littoraux à haute énergie, et A5.4 les sédiments mixtes sublittoraux.
Jusqu'à ce niveau, la typologie est entièrement fondée sur des caractéristiques physiques et sur la notion de zone biologique. Des taxons précis sont cités pour la première fois au niveau 4, où les principaux taxons de l'épifaune servent à distinguer les habitats rocheux.
Par contre, pour les substrats meubles, les distinctions sont parfois encore fondées sur des caractéristiques physiques et les zones biologiques. Par exemple, A1.11 désigne les
communautés de Mytilus edulis ou de balanes, alors que A5.44 désigne des sédiments mixtes circalittoraux.
Au niveau 5, les distinctions sont fondées sur des caractéristiques physiques et biologiques des habitats. Dans les substrats meubles, certaines classes sont surtout définies par l'endofaune et d'autres par l'épifaune, souvent avec la mention de noms d'espèces. Par exemple, A1.112 représente les espèces du genre Chthamalus présentes sur la partie supérieure des rochers eulittoraux en mode exposé, alors que A5.441 représente Cerianthus lloydii et d'autres anémones fouisseuses présentes dans les sédiments mixtes vaseux circalittoraux.
Le niveau 6, le plus précis de la typologie E
UNIS
, décrit souvent des variations notables de la structure de la biocénose des habitats de niveau 5. Par exemple, A1.1121 correspond à la présence de Chthamalus montagui et de Chthamalus stellatus, alors que A1.1122 indique la présence de Chthamalus montagui et de Lichina pygmaea. Les divers taxons caractéristiques sont associés à des propriétés environnementales différentes de l'habitat.
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 33
Saisie d'écran du site Web d'E
UNIS
montrant une partie de la hiérarchie de la typologie E
UNIS
des
habitats
marins (à noter que plusieurs classes de haut niveau ont été développées pour illustrer les unités plus fines.)
Chaque élément de l'arbre hiérarchique est relié à une base de données qui fournit une fiche standard d'information contenant une description détaillée de l'habitat, une liste annotée des espèces caractéristiques et un tableau d'autres caractéristiques pertinentes de l'habitat (p. ex. zone biologique, type de substrat, etc.). Les trois saisies d'écran ciaprès illustrent un exemple de fiche d'information d'un habitat. Chaque fiche d'information est téléchargeable sous forme de fichier (au format .pdf) ; un exemple de tel fichier peut l’être à partir du dossier des documents : A1_112 Habitat Factsheet.pdf
. Une grande partie des données des fiches d'information provient de la typologie des habitats marins de Grande-Bretagne et d'Irlande (Connor et al., 2004).
34 1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ?
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 35
36 1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ?
Saisies d'écran du site Web d'E
UNIS
montrant la fiche d'information de l'habitat A1.112 : Chthamalus spp. de la partie supérieure des rochers eulittoraux en mode exposé
D'autres renseignements sur la typologie E
UNIS
des habitats ainsi que des exemples sont donnés dans les fichiers suivants, que l'on peut également télédécharger : http://www.searchmesh.net/PDF/GMHM1_E
UNIS
_application.pdf
http://www.searchmesh.net/default.aspx?page=1807
1.3.4.2 - Typologies nationales
L'une des typologies « nationales » les plus complètes est la typologie des habitats marins de Grande-Bretagne et d'Irlande , publiée en anglais sous le titre Marine Habitat
Classification for Britain and Ireland
(Connor et al., 2004), qui ressemble étroitement à la
typologie E
UNIS
puisqu'elle fait appel aux mêmes critères de distinction entre habitats, mais avec une nomenclature et des codes de classification différents. Voici les six niveaux hiérarchiques de cette typologie :
Niveau 1 Environnement (marin)
Niveau 2 Types généraux d’habitats
Niveau 3 Complexes d’habitats
Niveau 4 Complexes de « biotopes »
Niveau 5 « Biotopes »
Niveau 6 « Sous-biotopes »
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 37
Cette typologie a été révisée en 2004. Elle repose principalement sur l'analyse de programme de levés de grande envergure.
Le fichier MNCR_04_05_introduction.pdf
contient des notes introductives détaillées. La
typologie révisée a récemment été utilisée pour enrichir la partie marine de la typologie
E
UNIS
.
Le fichier E
UNIS
habitats correlation table.pdf
contient une table de correspondance entre la typologie des habitats marins de Grande-Bretagne et d'Irlande et d'autres typologies
(dont E
UNIS
, l'Annexe I de la directive 92/43 de la CE concernant les habitats naturels,
OSPAR et le plan d'action du Royaume-Uni en matière de biodiversité). Dans le domaine de la cartographie des habitats, la typologie des habitats marins de Grande-Bretagne et d'Irlande a été utilisée entre autres dans de nombreuses études d'aires spéciales de conservation (voir des exemples à l'adresse www.searchMesh.net/metadata ) ainsi que dans d'importants levés intertidaux de la côte du Pays de Galles (Brazier et al., 2006).
38 1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ?
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 39
Aux Pays-Bas, Bouma et al. (2004) ont élaboré une typologie
des écotopes des eaux
littorales des Pays-Bas, publiée en anglais sous le titre Dutch Ecotope System for
Coastal Waters, où le terme écotope est analogue au terme habitat comme on l'entend dans le projet M
ESH
. Les auteurs décrivent cette typologie comme :
« un outil permettant de cartographier, de prédire et de comparer avec une situation précédente la présence possible d'habitats au fond des eaux nationales saumâtres et salines. Par l'intermédiaire de plusieurs processus, les paramètres physiques du milieu déterminent la présence d'habitats et de leurs communautés
écologiques. À partir des principaux paramètres et processus physiques du milieu, nous avons choisi un certain nombre de caractéristiques classificatoires abiotiques ainsi que des variables connexes qui peuvent représenter ces caractéristiques environnementales sur une carte. En nous fondant sur ces variables et sur les frontières entre classes, nous décrivons les écotopes et les organisons en une typologie hiérarchique. »
Cette typologie peut être considérée comme un exemple de typologie « locale » puisqu'elle porte surtout sur des eaux côtières de petit fond. Elle fait appel à des critères de distinction entre habitats semblables à ceux d'E
UNIS
, mais présente certaines différences d'accent qui reflètent l'importance de facteurs tels que la salinité et la profondeur pour différencier les habitats des grandes étendues d'eau de petit fond (moins de 20 mètres) présentes aux Pays-Bas. Cette typologie est présentée de manière complète dans l'article de Bouma et al. (2004) inclus dans l'exemple http://www.searchmesh.net/PDF/GMHM1_Dutch_Marine_Habitats_Classification.pdf.
En France, la typologie Z
NIEFF
-M
ER
(Dauvin et al., 1994) adopte une approche de la
classification et des niveaux de détail semblable à celle de la typologie des habitats marins de Grande-Bretagne et d'Irlande (Connor et al., 2004).
Il existe plusieurs typologies des habitats marins de l'Atlantique ouest. Pour plus de détails à ce sujet, voir Green et al. (1999), Valentine et al. (2004) et Madden et al. (2005).
1.3.4.3 - Quels sont les liens entre E
UNIS
et les habitats définis dans des textes juridiques et politiques ?
La directive 92/43 de la CE concernant les habitats naturels et la Convention OSPAR comportent toutes deux une liste des types d'habitat qui nécessitent des mesures de conservation et de protection. Ces listes ne sont pas des typologies en soi, mais dans les deux cas, les habitats énumérés sont mis en correspondance avec des classes définies dans la typologie E
UNIS
. Ce sont d'importants outils d'orientation des efforts de levé, de
cartographie et de gestion, puisque de nombreuses études portent spécifiquement sur les levés et la cartographie de ces types d'habitat (notamment dans le cas de la Directive de la 92/43 de la CE concernant les habitats naturels).
1.3.5 - Quelle est la taille d'un habitat ?
L’échelle est un élément majeur à considérer tout au long du processus de cartographie.
On estime généralement à au moins 25 m
2
la taille minimale d'une unité d’habitat marin.
Cette taille résulte d’un compromis entre les capacités des instruments de télédétection à identifier les unités et l’aptitude de l’œil de l’observateur à intégrer et résumer un ensemble complexe en une entité dominante. Cette convention relative à la taille a aussi
été établie sur la base de considérations pratiques, en ayant à l'esprit la cartographie des
habitats et ses contraintes. Toute biocénose qui occupe une zone plus petite, ou encore toute niche particulière à l'intérieur d'une unité d’habitat (p. ex. cuvettes des milieux exposés, rocher isolé sur un fond sédimentaire), devrait être considérée comme une propriété de cette unité.
40 1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ?
Les cartes imprimées d'usage courant telles que les cartes topographiques de l'environnement terrestre (p. ex. les cartes topographiques de l'I.G.N.) et les cartes de navigation ont typiquement une échelle de 1/10 000, 1/25 000 ou 1/50 000. Plus le dénominateur (le second nombre) de l'échelle est grand, plus le territoire représenté sur une même surface est grand. Un carré de 5 m × 5 m correspond à un carré de 1 mm ×
1 mm sur une carte dont l'échelle est de 1/5000 ! Un tel carré est trop petit pour être représenté sur une carte typique d'usage courant, et un habitat doit donc être plus vaste pour pouvoir être représenté. Par conséquent la taille minimale d'un habitat n’est pas la même que l'unité minimale d'aire qui peut être représentée sur une carte ; cette dernière porte le nom de plus petite unité cartographique. Ces notions d'aire, d'échelle et de niveau de détail des habitats sont abordées dans la prochaine section 1.4 « Que veut-on cartographier ? », qui porte sur la manière de déterminer ce qui doit être cartographié.
Il n'y a pas de limite supérieure à l'aire couverte par un même habitat, et certains habitats, par exemple les plaines côtières sédimentaires, peuvent couvrir plusieurs centaines de kilomètres carrés. Tant du point de vue écologique que physique, les habitats peuvent varier énormément quant à leur étendue, de quelques mètres carrés à des dizaines ou à des centaines de kilomètres carrés, avant que leurs caractéristiques changent suffisamment pour justifier la définition puis la cartographie d'un type d'habitat différent. La taille des habitats a tendance à être petite dans les zones intertidales (parce que les conditions du milieu changent rapidement sur de petites distances) et à être très grande dans les profondeurs marines, où les conditions du milieu sont uniformes sur de grandes surfaces.
On imagine aisément les complications résultant de l'application à des situations réelles d'une taille minimale des habitats, en raison de la complexité et de l'hétérogénéité des
habitats à une échelle fine. Il faut tenir compte de ces facteurs lorsque l'on regroupe des données en unités d'aire cartographiables à une échelle donnée.
Il est important de noter que la taille d'un habitat n'augmente pas nécessairement lorsque la description de l'habitat devient plus générale. Par exemple, un habitat décrit en termes généraux tels que « rocher intertidal couvert d’algues » pourrait correspondre à un petit affleurement dans une grande plage de sable constituant un habitat défini de manière très précise par l'espèce clé et la catégorie de sédiment (Lanice conchilega dans un sable littoral). Des habitats décrits en termes généraux peuvent couvrir de petites surfaces, et il est possible que les habitats ne constituent pas les meilleures unités pour décrire de très grandes surfaces. Cette notion d'échelle dans la définition des structures benthiques a été
étendue pour donner le concept de paysage marin. Il peut s'agir d'un phénomène physiographique important, par exemple un estuaire ou un mont sous-marin, ou d'une grande zone du fond définie surtout par une caractéristique topographique, par exemple une plaine côtière sédimentaire. Les paysages marins sont abordés plus en détail au chapitre 1 « Paysages et habitats – diverses méthodes de classification ».
1.3.5.1 - Frontières et continuums dans l'environnement marin
Définir et cartographier des habitats, c'est leur fixer des frontières et les distinguer les uns des autres dans leur définition ou sur une carte.
La réalité du monde marin est beaucoup plus complexe que cela : souvent, il n'y a pas de frontières claires entre habitats, mais seulement un changement graduel de caractéristiques sur une certaine distance. Parfois, les limites physiques sont nettes, comme dans le cas d'un récif rocheux qui ressort d'une plaine sédimentaire, mais le plus souvent, la transition est graduelle, comme d'un type de sédiment à un autre (p. ex. de vase sableuse à sable vaseux). De la même manière, les frontières biologiques peuvent
être nettes, comme entre une forêt de Laminaires et, à une plus grande profondeur, une
biocénose dominée par des animaux, à cause de la moins grande luminosité. Par contre, de nombreux changements de biocénose sont graduels, en présence de faibles gradients
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 41 des conditions du milieu (p. ex. l'exposition aux vagues et les courants de marée). Le manque de frontières nettes pose de réels problèmes pratiques pour la cartographie des
habitats et pour l'élaboration de typologies des habitats capables de subir l'épreuve de la réalité.
1.3.5.2 - Définition d'habitats à différents niveaux de détail – une hiérarchie
Pour cartographier des habitats, il faut définir leurs propriétés avec un certain niveau de détail et donc s'attendre à une certaine constance des caractéristiques observées sur l'étendue d'un habitat donné. Cela est faisable à différents niveaux, ce qui introduit la notion de hiérarchie dans la définition des habitats. Par exemple, pour les habitats rocheux de petit fond, on peut définir une zone supérieure hébergeant des Laminaires très denses (une forêt) et une zone inférieure où les Laminaires sont plus clairsemées
(une prairie). Ces deux zones (forêt et prairie de Laminaires) peuvent être plus généralement définies comme des « habitats de Laminaires », ce qui crée une hiérarchie des définitions et des unités de cartographie des habitats. Cette zone de Laminaires pourrait elle-même être regroupée avec d'autres communautés d'algues pour définir un
habitat encore plus général de« rochers couverts d’algues ».
La définition d'habitats à divers niveaux de détail peut résulter des techniques de levé employées (autrement dit, les techniques déterminent le degré de finesse des types d'habitat définis) ou relever d'une typologie dans laquelle il peut être utile d'avoir à la fois des habitats définis de manière générale et d'autres définis très précisément (voir les sous-sections 1.3.3 « Qu'est-ce qu'une typologie des habitats ? » et 1.3.4 « Quelles typologies sont disponibles ? »). Lorsque des habitats sont définis de manière moins détaillée, on peut s'attendre à des variations plus importantes des caractéristiques à l'intérieur de chaque type, ainsi qu'à une plus grande étendue géographique que dans le cas des sous-types plus finement définis qui les composent.
1.3.5.3 - Paysages et habitats – diverses méthodes de classification
On peut aborder la classification de l'environnement marin de diverses manières et avec différents niveaux de détail, selon le but de la classification, les méthodes employées et les données disponibles. À des fins de gestion environnementale, il est important que la
typologie de l'environnement marin ait du sens du point de vue écologique, pour qu'elle puisse appuyer une approche de gestion fondée sur les écosystèmes.
Dans le cas du fond de la mer, la typologie a été généralement définie par la caractérisation des structures benthiques par type d'habitat. Cette approche se reflète dans les diverses typologies nationales et européennes (voir la sous-section 1.3.4 :
« Quelles typologies sont disponibles ? »).
L'approche de la classification fondée sur les habitats ne prend que faiblement en considération des modèles globaux de caractéristiques benthiques telles que la morphologie résultant de processus géologiques et hydrographiques majeurs. Par conséquent, on peut considérer que des formations telles que des monts sous-marins et des estuaires se situent à une échelle plus globale que celle des habitats ; chacune comporte un ensemble de types d'habitat présents à l'intérieur d'une formation définie à l'échelle topographique – à ce niveau de classification, les structures plus globales sont décrites comme des paysages marins que l'on peut considérer comme analogues à des montagnes, vallées, plaines et rivières dans un milieu terrestre. Chaque type de paysage
marin comporte un ensemble de types d'habitat, dont certains sont caractéristiques du type de paysage ; de plus, ces types d'habitat peuvent se présenter selon un modèle donné (tel qu'un zonage des habitats du sommet jusqu'à la base d'un mont sous-marin).
D'autre part, de nombreux types d'habitat peuvent être présents dans divers types de paysage (par exemple, des herbiers de phanérogames marines dans des bras de mer, des baies et des estuaires) – ce qui signifie que les deux approches de la classification

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