2.2 - Détermination de l'information manquante. IFREMER des habitats marins
2 - Que veut-on cartographier ? 87
2.2 - Détermination de l'information manquante
L’étape de définition de la portée du programme donne une indication des types d’information à présenter dans les cartes. La prochaine étape du processus de planification consiste à évaluer quelles données sont nécessaires pour obtenir cette
information et jusqu’à quel point ces données sont déjà disponibles à un niveau de qualité adéquat. Les lacunes (données manquantes ou non satisfaisantes) devront être comblées par de nouveaux levés ou par l’utilisation de modèles. Une analyse exhaustive de l’existant afin de déterminer l’information manquante peut s’avérer cruciale pour connaître le coût total du programme de cartographie et la fiabilité que l’on pourra attendre des
cartes finales produites.
Une carte d’habitats constitue une interprétation d’un ensemble composite de données, dont certaines résultent de mesures ou d’observations directes, alors que d’autres peuvent être déduites d’un modèle (p. ex. prévisions des marées).
Exemple de couches multiples de données utilisées pour réaliser une carte de l’archipel de Glénan, en
Bretagne
Les besoins du programme en matière de données dépendent principalement des critères employés pour distinguer les habitats, par exemple la salinité, le type de sédiment et les espèces présentes. Les typologies ne font pas toutes appel aux mêmes critères, et il faut comprendre dès le départ quelles données sont requises selon la typologie retenue. Les
88 2 - Que veut-on cartographier ?
typologies hiérarchiques telles qu’E
UNIS
utilisent des critères différents selon le niveau de la hiérarchie, de sorte que certaines données sont fondamentales quel que soit le niveau de la hiérarchie (p. ex. pour les cartes à échelle globale), alors que d’autres ne sont nécessaires qu’aux niveaux détaillés (pour les cartes à échelle fine).
L’analyse de l'existant (voir sous-section 2.2.1) se fait au bureau et doit consister en une
évaluation critique de la disponibilité, de la qualité, du degré de couverture et de la compatibilité des données existantes. En effet, l’intégrité des cartes risque d’être gravement compromise si l’un de ces éléments est jugé adéquat alors que ce n’est pas le cas en réalité. Cette évaluation se fait à l’aide de catalogues modernes de métadonnées, comme celui fourni par le projet M
ESH
, qui indiquent en détail quelles données ont été acquises, à quel moment, à quel endroit, de quelle manière, pour quelles raisons (quoi ? quand ? où ? comment ? pourquoi ?) et, élément important, qui en est propriétaire.
Des cartes existantes peuvent servir d’intermédiaires valables pour certains types d’information, mais il faut procéder à des vérifications afin de comprendre dans quelle mesure ces interprétations de données antérieures sont applicables à la réalisation de nouvelles cartes d’habitats. Il faut examiner attentivement les données antérieures ellesmêmes afin de s’assurer qu’elles répondent aux besoins du programme de cartographie en cours ; si ce n’est pas le cas, il peut être nécessaire de traiter, traduire, transposer ou tronquer ces données avant de pouvoir les utiliser.
Le Guide M
ESH
aborde ces questions en profondeur et fournit un tableau sommaire servant à consigner les résultats de l’analyse de l’existant. Cela permet de mettre en
évidence les données manquantes et d’indiquer les données qui doivent être acquises au cours de nouveaux levés ou déduites par modélisation.
Liens vers d’autres parties de ce chapitre
La sous-section « Analyse de l'existant » (ci-après) contient plus de détails sur les méthodes et les résultats de la détermination de l’information manquante. Cette analyse est suivie de la définition des levés à effectuer (voir section 2.2).
2.2.1 - Analyse de l'existant
L’analyse de l’existant vise à déterminer les besoins en matière de données qui peuvent
être comblés par des données existantes et ceux pour lesquels il faudra procéder à de nouveaux levés. L’achat de données et l’acquisition de données par de nouveaux levés risquent d’entraîner des coûts importants. L’analyse de l’existant est donc susceptible de jouer un rôle crucial pour établir l’ampleur du budget d’un programme de cartographie.
La première étape de l’analyse de l’existant consiste à aborder de manière détaillée la question « Quels types de données sont nécessaires ? ». Les réponses à cette question ne sont jamais simples ni tranchées. Si l’on prépare une carte selon une typologie des
habitats existante, il faut comprendre à fond le fonctionnement de cette typologie pour définir les types de données qu’elle exige. Différentes typologies décrivent et caractérisent les habitats de diverses manières et peuvent faire appel à des types de données ou d’information différents. Certains des critères employés pour distinguer les classes d’habitat ne sont pas toujours directement mesurables. C’est le cas par exemple du degré d’exposition sur un littoral (p. ex. « modérément exposé » ou « abrité ») ou du zonage biologique (p. ex. sublittoral, infralittoral, circalittoral). D’autres critères, par exemple le type de sédiment, peuvent être décrits en termes plutôt généraux (p. ex. « sédiment grossier ») et donc ne pas exiger une partie des analyses détaillées et coûteuses qui sont plus habituelles dans un contexte autre que celui de la cartographie des habitats. Dans plusieurs typologies hiérarchiques comme E
UNIS
ou la typologie BioMar du Royaume-Uni
(Connor et al., 2004), les niveaux supérieurs sont entièrement liés à des caractéristiques physiques. Un inventaire détaillé des espèces n’est donc pas nécessairement obligatoire si l’on n’utilise pas tous les niveaux de la hiérarchie. Le chapitre 1 « Qu’est-ce que la
2 - Que veut-on cartographier ? 89 cartographie des habitats ? » contient de plus amples renseignements sur la typologie
E
UNIS
. D’autre part, les données spécifiquement requises par la typologie E
UNIS
sont abordées plus loin dans ce chapitre, au paragraphe 2.2.1.1 « Quelles données la typologie
E
UNIS
utilise-t-elle ? ». Si vous n’avez pas à utiliser l’« approche descendante », dans laquelle une typologie existante est imposée, vous devrez réfléchir à la nature et à la qualité des données dont vous aurez besoin pour suivre l’« approche ascendante » de l’identification et de la classification des habitats.
La deuxième étape de l’analyse de l’existant consiste à rechercher des données existantes qui répondent aux besoins. Il faut ici tenir compte de la disponibilité, de la qualité et du degré de couverture des données. Ce n’est pas parce que des données existent qu’elles sont facilement accessibles. Les catalogues en ligne constituent un bon point de départ d’une recherche sur la disponibilité des données (voir paragraphe
2.2.1.2) : qui en est propriétaire, comment on peut y avoir accès et à quel coût. Les catalogues de métadonnées permettent également d’avoir une idée de la qualité des données (voir paragraphe 2.2.1.3), car ils indiquent généralement si elles ont été acquises conformément à une norme nationale ou internationale. Cela aide à déterminer si ces données sont susceptibles de répondre aux exigences du programme de cartographie. Si cela n’est pas clair, il est possible d’acquérir un échantillon des données afin d’en évaluer la qualité.
Lorsque l’on utilise plusieurs jeux de données, il ne faut pas oublier de considérer la compatibilité des données (voir paragraphe 2.2.1.4), acquises le cas échéant à l’aide d’instruments différents ou selon des normes et protocoles différents. Il est courant de voir des divergences de taxinomie et de nomenclature entre deux jeux de données biologiques. Il faut donc vérifier l’existence de pseudonymes et établir si des listes d’espèces peuvent être directement fusionnées ou si leur harmonisation exige une certaine forme de traduction ou de réduction à un niveau taxinomique supérieur. On peut
être forcé de rejeter des données disponibles parce qu’elles ne répondent pas aux normes de qualité voulues ou parce qu’elles ne sont pas compatibles avec d’autres données qui, elles, sont utilisables. De tels rejets mettent en évidence des lacunes qu’il faudra combler par de nouveaux levés ou par la modélisation de données.
En supposant que les données disponibles soient de qualité appropriée, il faut en outre déterminer jusqu’à quel point elles couvrent le territoire à cartographier. L’évaluation du degré de couverture des données (voir paragraphe 2.2.1.5) doit porter à la fois sur l’étendue géographique et sur la densité des données disponibles. Souvent, on arrive à visualiser ces éléments en représentant les couches de données disponibles, les fauchées et les points de prélèvement dans un SIG. Évidemment, lorsque les levés existants ne couvrent pas tout le territoire à cartographier, il y a une lacune (des données manquantes) qu’il faut combler. D’autre part, dans les levés existants, la densité des données peut être insuffisante pour répondre aux besoins du programme de
cartographie ; si les points de prélèvement ou les fauchées des levés sont trop éloignés les uns des autres pour que la carte puisse être tracée à la résolution voulue, il faut peut-
être alors faire un échantillonnage ou des levés supplémentaires.
90 2 - Que veut-on cartographier ?
Sommaire d’analyse de l’existant — Zone X de la Manche
Renseignements sur le territoire à cartographier : 10 km
× 15 km. Profondeur de 20 à 70 m.
Milieu entièrement salin. Sédiments non consolidés, affleurements rocheux possibles. Cartes des sédiments benthiques et cartes géologiques disponibles, de même que certaines données bathymétriques numériques acquises par sondage monofaisceau.
Types de données
Les données sontelles adéquates ?
Faut-il de nouvelles données ?
Qualité Couverture Levés Modèle
Données sur le relief
Topographie (altitude)
Bathymétrie (profondeur)
Données géologiques
Non
Oui En partie OK Non En partie
Oui
Oui
Oui
Oui
Épaisseur des sédiments
Types de sédiment ou de substrat
Figures sédimentaires
Granulométrie (analyse de la taille des grains)
Propriétés géotechniques
Données biologiques
Non
Oui
Oui
En partie
En partie
Oui Non
OK Non
Non
Endofaune
Épifaune et épiflore
Faune structurelle (récifs)
Oui Oui Non
Oui
Oui
En partie
Non
OK
Données physiques et océanographiques
Température Non
Médiocre
En partie
En partie
Oui
En partie
Pénétration de la lumière
Exposition aux vagues
Non
Non
Salinité Oui
Niveau de base des vagues Oui Modèle OK OK
Marées et courants
Tensions de cisaillement
Oui
Oui
Modèle
Modèle
OK OK
OK Non Oui Oui
Turbidité Oui
Exemple de tableau sommaire des résultats d’une étude au bureau et d’une analyse de l’existant portant sur la disponibilité et l’adéquation des données en vue de la cartographie d’une partie hypothétique de la
Manche
2 - Que veut-on cartographier ? 91
L’analyse de l’existant doit s’attarder aux limites inhérentes à l’utilisation de couches de données interprétées telles qu’une carte de sédiments benthiques (voir paragraphe
2.2.1.6 « Limites relatives aux données »). Ces interprétations peuvent constituer des
intermédiaires utiles pour un programme de cartographie des habitats, mais il est important de comprendre la nature des données sous-jacentes et l’objectif de l’interprétation initiale, car ils correspondent rarement aux besoins précis de la
cartographie des habitats. Les cartes existantes constituent peut-être la meilleure
information disponible ; il ne faut donc pas les écarter, mais plutôt les utiliser avec les précautions voulues. L’analyse de l’existant doit porter sur la qualité et la provenance des interprétations de données existantes ainsi que sur la pertinence de leur utilisation dans le programme de cartographie.
La dernière étape de l’analyse de l’existant est la production d’un rapport rassemblant l’information essentielle, pour le bénéfice de tous les participants à la planification et à l’exécution du programme de cartographie. Ce rapport doit couvrir de manière systématique toutes les composantes du programme de cartographie (à échelle globale,
intermédiaire et fine). Il gagne beaucoup à être enrichi d’un espace de travail de SIG montrant les métadonnées disponibles (et le cas échéant des couches de données et interprétations). La présentation du rapport doit être très détaillée et variera probablement d’un projet à l’autre. Un aperçu de l’analyse de l’existant et un rappel du territoire à cartographier peuvent y figurer sous forme d’un tableau, comme dans l’exemple ci-après d’un sommaire d’analyse de l’existant (voir aussi le document Gap analysis pro forma.doc
). Certains renseignements sur le territoire à cartographier sont suivis d’une liste des divers types de données couramment employés dans les programmes de
cartographie. Une fois rempli, ce tableau montre quelles données seront nécessaires, quels jeux de données existants sont disponibles (en totalité ou en partie), ainsi qu’une appréciation de leur qualité et du degré de couverture. Pour les données manquantes, le tableau indique si leur acquisition se fera par des levés ou si elles seront déduites d’un
modèle.
L’étude de cas sur l’archipel de Glénan présente les détails d’un programme de
cartographie d’une zone de petit fond sur les côtes de Bretagne, en France. Le chapitre 2 de ce document contient un exemple du processus de compilation de couches de données existantes afin de déterminer les lacunes à combler à l’aide de nouveaux levés.
2.2.1.1 - Quelles données la typologie E
UNIS
utilise-t-elle ?
La typologie E
UNIS
fait appel à une variété de critères pour caractériser et distinguer les types d’habitat. Pour pouvoir répondre à la question « Quelles données la typologie E
UNIS
typologie.
1. La typologie E
UNIS
couvre les habitats terrestres et marins, et leur affecte un code alphanumérique tel que « A3.54 ». Tous les habitats marins ont un code commençant par la lettre « A », alors que les lettres « B » à « J » sont réservées à divers types d’habitat terrestres. Les habitats marins sont répartis en huit catégories, de « A1 » à
« A8 ». Il y a six niveaux hiérarchiques de classification des habitats marins. « A » représente le niveau 1, et « A1 » à « A8 » le niveau 2. Le code « A3.54 », qui comporte
4 caractères alphanumériques, est un code de niveau 4.
2. Dans le cas des habitats marins, la typologie E
UNIS
utilise ses propres critères pour caractériser et distinguer les habitats jusqu’au niveau 4, mais au-delà (niveaux 5 et 6), les critères sont tirés d’autres typologies et combinés dans un cadre commun. La plus utilisée de ces autres typologies est la typologie des habitats marins de Grande-
Bretagne et d'Irlande, version 04.05 (Connor et al. , 2004), aussi connue sous le nom de typologie « MNCR BioMar ». Des typologies relatives à la Baltique et à la
92 2 - Que veut-on cartographier ?
Méditerranée sont également employées, mais elles sont moins pertinentes dans le territoire couvert par le projet M
ESH
.
Donc, pour répondre à la question « Quelles données la typologie E
UNIS
utilise-t-elle ? », il faut se rapporter aux typologies E
UNIS
et BioMar.
Connor et al. (2004) résument clairement les caractéristiques couramment utilisées pour définir et distinguer les types d’habitat : « la salinité, l’exposition aux vagues, les courants de marée, le substrat, la zone biologique, l’altitude ou la profondeur, et le cas échéant d’autres facteurs essentiels pour un type particulier ». Ils expliquent que, « dans le cas des habitats rocheux, les biotopes sont liés à des niveaux d’énergie hydrodynamique, alors que pour les habitats sédimentaires, ils sont liés au type de sédiment selon une biologiques vont des formes de vie caractéristiques (p. ex. touffe d’Hydraires, prairie de
Laminaires) à une « liste des espèces qui contribuent le plus à la similarité d’ensemble des échantillons principaux qui définissent le type d’habitat, avec pour chaque espèce des données connexes sur sa fréquence, sa contribution à la similarité dans la liste des caractéristiques, ainsi que son abondance habituelle ».
L’utilisation de ces caractéristiques et d’autres éléments dans les niveaux 1 à 4 de la
typologie E
UNIS
est présentée dans le guide de la typologie E
UNIS
, aux pages 13 à 27 du document E
UNIS
Habitat Classification Revised 2004.pdf.
Trois brefs tableaux de Connor et al. (2004), contenus dans le document MNCR 04 05 introduction.pdf
, constituent une bonne introduction aux données utilisées par E
UNIS
et aux raisons pour lesquelles on les utilise :
– le tableau 1, sur les facteurs environnementaux qui ont des effets sur la structure des
biocénoses (pages 13 à 15) ;
– le tableau 4, sur la justification des subdivisions majeures adoptées dans la grille principale des habitats (niveaux 2 et 3 de la typologie E
UNIS
) (pages 23 et 24) ;
– le tableau 5, sur les zones biologiques marines et les facteurs qui les déterminent
(page 25).
Pour une compréhension plus approfondie, il est conseillé de lire en entier le contenu des deux fichiers mentionnés ci-dessus, ainsi que la section « Quelles typologies sont disponibles ? » (p. 30) du chapitre 1 « Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? »
2.2.1.2 - Disponibilité des données
De nombreux catalogues et inventaires en ligne permettent de rechercher des données existantes sur des études marines européennes. Les quelques exemples qui suivent ne constituent pas une liste exhaustive des ressources disponibles.
Il faut savoir qu’en Europe l’accès à de telles données n’est généralement pas immédiat, car ceux qui ont recueilli ces données peuvent en avoir la propriété intellectuelle. Selon les cas, il est possible d’acheter ces données ou d’y accéder dans le cadre d’une licence annuelle d’utilisation. L’utilisation des données fait souvent l’objet de restrictions afin de protéger les droits de propriété intellectuelle et de veiller à ce que le détenteur d’une licence ne transmette pas à des tiers les données sous forme brute ou même comme une
couche de données interprétées. Il est conseillé d’examiner très attentivement les conditions d’utilisation de tout jeu de données avant d’en faire l’achat. Il faut aussi être conscient que des données « gratuites » n’offrent pas nécessairement de garantie de qualité. Dans tous les cas cependant, les métadonnées (c’est-à-dire l’information sur les données) devraient être accessibles gratuitement.
Nous conseillons de commencer par le catalogue des métadonnées de M
ESH
sur les
études de cartographie du fond de la mer, qui résulte d’une initiative du projet M
ESH
visant
à compiler et à harmoniser les cartes d’habitats existantes. Sous forme d’une base de
2 - Que veut-on cartographier ? 93 données interrogeable, ce catalogue énumère des centaines de cartes ou jeux de données, et il est relié au site du
SIG webGIS de M
ESH
, qui contient les cartes et indique les limites des jeux de données.
Le portail OceanNET donne accès à trois groupes de travail du Royaume-Uni, pilotés par l’IACMST (Inter-Agency Committee on Marine Science and Technology –Comité interagences sur les sciences et techniques de la mer), qui œuvrent dans des domaines de pointe des sciences de la mer. Ces groupes de travail sont le GOOSAG (Global Ocean
Observing System Action Group – Groupe d’action sur un système global d’observation des océans), le MEDAG (Marine Environmental Data Action Group – Groupe d’action sur les données de l’environnement marin) et le MDIP (Marine Data and Information
Partnership – Partenariat pour les données et l’information sur le monde marin). Le MDIP travaille à la mise sur pied d’un réseau de centres d’archives qui agira comme référentiel de toutes les données marines du Royaume-Uni. À l’heure actuelle (en 2007), ces centres comprennent le BODC (
British Oceanographic Data Centre
- Centre britannique de données océanographiques), l’UKHO (
United Kingdom Hydrographic Office
- Bureau hydrographique du Royaume-Uni) et le DASSH (
Data Archive for Seabed Species and
Habitats
- Centre d’archives sur les espèces et habitats benthiques).
À l’échelon européen, la Commission européenne soutient le site Web Sea-Search , qui donne « accès aux données et à l’information océanographiques et marines en Europe », et notamment aux centres, réseaux et jeux de données, ainsi qu’aux organismes du monde marin.
Des organismes spécialisés peuvent également fournir des catalogues de leurs propres données (citons par exemple la British Geological Survey – Commission géologique britannique, le Cefas , l’ IFREMER et le CIEM ). C’est le cas également de certains groupes d’intérêt spécialisés, par exemple dans le secteur du pétrole et des granulats marins.
Des renseignements sur des jeux de données à échelle très globale sont accessibles par l’intermédiaire d’organismes internationaux tels que le Global Change Master Directory to
Earth Science and services (Répertoire général du changement global sur les sciences et les services de la terre) ou la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO, qui héberge l’ Échange international des données et de l'information océanographiques , réseau mondial de services formé d’agences nationales désignées, de centres nationaux de données océanographiques, de centres de données océanographiques nationaux responsables et de centres mondiaux de données océanographiques. Ce site fournit la liste des coordonnateurs nationaux en matière de gestion de données océanographiques et de gestion de l'information maritime .
Pour certains programmes de cartographie, la disponibilité de cartes existantes
ou de données modélisées est particulièrement intéressante, qu’elles soient sous forme d’images matricielles ou de données vectorielles. Des données sur les types de sédiment, la bathymétrie et les tensions de cisaillement (énergie hydrodynamique) sont souvent nécessaires et sont brièvement abordées ci-après.
Des cartes des sédiments, généralement fondées sur la typologie de Folk, sont souvent publiées par des commissions géologiques nationales, ou parfois par des bureaux d’hydrographie ou des universités. Certains organismes comme la Commission géologique britannique rendent leurs cartes des sédiments marins disponibles sous forme numérique afin qu’elles puissent être facilement incorporées dans des systèmes
d’information géographique. Ces cartes peuvent être achetées en ligne. Il est possible que certaines cartes soient (ou deviennent) périmées, mais que des quantités considérables de nouvelles données soient disponibles. Il faut prendre le temps d’évaluer la qualité et l’utilité des couches sédimentaires interprétées et des données sur lesquelles ces cartes sont fondées. La cartographie de substrats rocheux est souvent inadéquate si elle est fondée en grande partie sur les données de prélèvements ponctuels (à la benne, par carottage). Pour faire une modélisation, il faut travailler à partir des données
94 2 - Que veut-on cartographier ? quantitatives originales sur les sédiments plutôt que sur des cartes interprétées. Lorsque des données originales sont disponibles, le choix de la variable utilisée pour la modélisation dépend largement de la portée et de la densité des données sur le territoire
étudié. Dans le cas de jeux de données antérieurs, il se peut que les données originales soient perdues et que seuls des descripteurs univariés aient été consignés, auquel cas la taille médiane des grains est probablement le paramètre le plus souvent rapporté.
Les données bathymétriques sont généralement disponibles auprès des bureaux hydrographiques nationaux, et les sondages originaux sont habituellement accessibles
(moyennant paiement). La résolution des données brutes varie selon la complexité du fond marin. Si des données sont requises pour un vaste territoire, il peut être nécessaire de communiquer avec plusieurs bureaux hydrographiques, et la compilation des données devient alors très complexe si celles-ci se présentent sous différents formats, sont référencées par rapport à des ellipsoïdes et des niveaux de référence différents. Parmi les données bathymétriques compilées disponibles (moyennant paiement), mentionnons la
GEBCO (
GEneral Bathymetric Chart of the Oceans
– Carte bathymétrique générale des océans) du British Oceanographic Data Centre (Centre britannique de données océanographiques) et DigBath250 , jeu de données bathymétriques vectorielles des eaux du Royaume-Uni et des eaux européennes adjacentes, produit par la Commission géologique britannique (sondages originaux compilés au 1/250 000).
Les données sur l’énergie hydrodynamique (tensions de cisaillement, courants de fond) sont surtout disponibles auprès d’organismes actifs dans le domaine des modèles hydrodynamiques et des modèles de transport de sédiments, tels que le laboratoire océanographique Proudman . Certains organismes privés ou universités qui travaillent dans ce domaine peuvent également avoir des données disponibles. (voir le Répertoire européen des organisations maritimes dans le site Web Sea-Search .
2.2.1.3 - Qualité des données
La qualité des données existantes peut constituer une difficulté majeure, car jusqu’à récemment on a souvent négligé de consigner des métadonnées. On prend souvent pour acquis que les données antérieures sont correctes, alors que l’on n’a aucun moyen de savoir si elles ont été acquises, traitées ou interprétées de manière adéquate. Les
métadonnées
sont des « données à propos de données ». Elles indiquent entre autres comment les données ont été acquises et traitées, et sont donc essentielles pour le contrôle de la qualité des jeux de données existants.
Il est important d’évaluer la qualité des données existantes avant de les utiliser dans un programme de cartographie, car cela a des conséquences directes sur la fiabilité des
cartes obtenues. La qualité des données doit atteindre au moins le niveau stipulé dans le rapport sur la portée du programme. Par exemple, si la précision spatiale des données est de ± 50 m, ces données pourront servir à la réalisation de cartes à échelle globale ou
intermédiaire, mais non de cartes à échelle fine.
Il existe des normes de qualité reconnues pour certains types de données. Les données bathymétriques sont couvertes par les normes de l’Organisation hydrographique internationale (OHI) relatives aux levés hydrographiques (ordres « Spécial », « 1 », « 2 » et « 3 » de l’OHI), qui portent sur la précision de la position et de la profondeur ainsi que sur la densité des données. Dans un article sur les normes internationales en matière de levés hydrographiques (fichier IHO survey standards.pdf
), Mills (1998) résume de manière abordable et très instructive le concept de confiance et les sources d’erreur. Nous traduisons ici ce passage, car les notions qu’il aborde sont utiles pour toute réflexion sur la qualité des données.
« Il faut aborder brièvement les erreurs de mesure afin de comprendre la signification du niveau de confiance de 95 % prescrit pour l’exactitude des positions et des profondeurs dans les nouvelles normes. Une erreur est la différence entre une valeur mesurée et la
2 - Que veut-on cartographier ? 95 valeur réelle. Elle est soit due à une bévue, soit systématique, ou encore aléatoire. Les bévues sont généralement des erreurs importantes dues à l’inattention ou au manque de compétence de l’observateur. Les erreurs systématiques obéissent à des règles physiques qui permettent de les prévoir. Les erreurs aléatoires sont généralement de petites erreurs dues aux limites des appareils et des processus de mesure ; leur valeur peut être aussi bien positive que négative et est régie par les lois de la probabilité. Il faut
éliminer les bévues par la mise sur pied de procédures adéquates de vérification ; on suppose qu’elles sont absentes dans les données de levés hydrographiques de qualité.
Les erreurs systématiques sont mesurées ou modélisées à l’aide de techniques d’étalonnage, et doivent être supprimées des données des levés avant leur évaluation au regard des normes de l’OHI. Les erreurs aléatoires résultent de l’impossibilité de mesurer parfaitement une quantité quelconque ou de produire un modèle parfait des erreurs systématiques. »
Il existe des normes de qualité pour de nombreux types de données, et il est normal que les professionnels, les chercheurs et les opérateurs connaissent les normes pertinentes dans leur domaine quant à l’acquisition, au traitement, à l’analyse et à l’enregistrement des données.
Il est donc conseillé de faire évaluer par une « personne compétente »
la qualité des données disponibles.
Il arrive parfois qu’aucune norme spécifique n’existe. C’est le cas par exemple dans le domaine de l’identification des taxons en biologie. L’évaluation de la qualité des données doit donc reposer sur d’autres critères, comme ceux de l’utilisation par un laboratoire d’un système reconnu d’assurance qualité, par exemple le NMBACQ (National Marine
Biological Analytical Quality Control scheme – système national analytique d’assurance qualité en biologie marine) du Royaume-Uni, ou par un expert reconnu par ses pairs.
Comme les données cartographiées appartiennent à la catégorie générale de l’« information géographique », il faut également connaître l’existence de l’Organisation internationale de normalisation (ISO), et plus précisément de son Comité technique 211
(ISO/CT 211), qui se consacre à l’élaboration et à la mise en œuvre de normes relatives à l’information géographique et à la géomatique. Les normes de l’ISO sont connues par leur numéro, et la série ISO 19100 porte sur l’information géographique. La récente norme
ISO19115, qui concerne les métadonnées géographiques, est assez obscure pour les non-experts. Heureusement, cette norme a souvent été interprétée par des organismes nationaux, qui l’ont présentée sous une forme simplifiée et plus conviviale pour les personnes qui doivent l’appliquer.
2.2.1.4 - Compatibilité des données
Un autre facteur à prendre en considération est celui de la compatibilité entre jeux de données existants. Une recherche de données permet souvent de trouver plusieurs sources de données de types semblables, mais il se peut que les métadonnées révèlent que ces jeux de données ne sont pas compatibles, car les données n’ont pas été acquises de la même manière d’une étude à l’autre. C’est ce qu’illustre l’exemple fictif suivant.
Exemple : Deux études A et B ont consisté à effectuer des sondages acoustiques à balayage latéral dans deux zones adjacentes. Les métadonnées montrent que ces deux études ont fait appel à des appareils différents, que les données sur la position n’ont pas été déterminées de la même manière, et que le traitement a été effectué à l’aide de logiciels différents. Même si les résultats des deux études sont valables, l’étude A a donné une image d’une résolution et d’une précision spatiale meilleures que l’étude B.
Par conséquent, les interprétations initiales des données de ces deux études ne seront probablement pas entièrement compatibles, car l’étude A montre des structures à échelle
fine, ce qui n’est pas le cas de l’étude B.
96 2 - Que veut-on cartographier ?
Dans une telle situation, une première possibilité consiste à harmoniser les interprétations ; pour ce faire, on interprète à nouveau les données à haute résolution en utilisant uniquement les catégories de structure identifiées dans les données à faible
résolution (l’inverse est impossible). Il peut être souhaitable de traiter à nouveau les données à haute résolution avec le logiciel utilisé à l’origine pour les données à faible
résolution. Si le programme de cartographie exige des données à haute résolution, une autre possibilité est de refaire des levés de la zone B à l’aide du système à haute
résolution employé pour la zone A.
Métadonnées
Marque et modèle
Fréquence (kHz)
Vitesse de remorquage (nœuds)
Altitude au-dessus du fond (m)
Position déduite par
Logiciel de traitement
Étude A
Benthos SIS 1624
400
3
6
Suivi acoustique
Caris
Étude B
Edgetech 4200 FS1500
120
6
15
Calcul de l’écart
ISIS
Métadonnées
relatives à deux sondages acoustiques à balayage latéral (études fictives), illustrant la possible incompatibilité des données
Il faut évaluer avec soin la compatibilité de jeux de données semblables avant de les combiner ou de les soumettre à une forme d’interprétation commune. Même si, d’après les métadonnées, les deux jeux de données semblent compatibles, il faut examiner attentivement les données elles-mêmes afin de détecter des différences qui pourraient ne pas apparaître dans les métadonnées. Dans le cas de la faune en particulier, des incohérences taxinomiques peuvent devoir être résolues avant que l’on regroupe les données. L’évolution de la taxinomie et la précision avec laquelle les taxons sont identifiés constituent deux causes fréquentes d’incohérence.
Dans ce cas, il est généralement conseillé de rechercher des manières d’harmoniser des jeux de données en apparence incompatibles, car cela est probablement moins coûteux que de repartir à zéro et d’acquérir de nouvelles données. L’harmonisation requiert certaines transformations ou manipulations des données afin qu’elles respectent une norme commune. Il ne faut pas oublier que les données doivent être adaptées à leur finalité, en l’occurrence la cartographie des habitats, et que certaines normes, par exemple les normes de l’OHI en matière de levés hydrographiques, se situent parfois bien au-delà de vos besoins.
2.2.1.5 - Degré de couverture des données
L’avènement de systèmes d’information géographique (SIG) a grandement amélioré notre capacité à évaluer rapidement la couverture spatiale des nombreux jeux de données nécessaires pour réaliser une carte d’habitats benthiques. Dans le cadre d’une étude au bureau ou d’une analyse de l’existant, il est conseillé d’élaborer un SIG capable de montrer l’emplacement et l’étendue des données existantes. Cela met en lumière les lacunes, tant sur le plan de l’étendue géographique que sur celui de la densité de couverture.
Le simple tracé des limites des levés existants risque de donner une fausse impression du degré de couverture et de la densité des données. Il est donc conseillé de représenter la position des échantillonnages et des fauchées, qui sont susceptibles de mettre en
évidence les zones où la densité des données est médiocre.
L’exemple qui suit est extrait de la phase de planification d’un programme de cartographie des habitats en Manche orientale (James et al., 2007), qui portait sur un territoire d’environ 5000 km
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. L’un des objectifs principaux de ce programme consistait à situer
2 - Que veut-on cartographier ? 97 dans un contexte spatial plus vaste une évaluation environnementale régionale de zones potentielles d’extraction de granulats marins. La figure montre la grille de levés prévue, en relation avec les lieux d’échantillonnage (points jaunes) effectués dans le cadre de l’évaluation environnementale et avec les zones potentielles d’exploitation de granulats marins (polygones rouges). Il apparaît clairement que, dans le nouveau projet, les efforts de levé devraient se situer à l’extérieur de la partie centrale du territoire.
Graphique fourni par un SIG lors d’une analyse de l’existant pour un programme de cartographie dans la Manche orientale
D’autre part, comme l’espace de travail du SIG s’avérera précieux pour les étapes ultérieures du processus de planification portant sur les stratégies des levés et les plans de campagne, il devrait faire partie du rapport sur l’analyse de l’existant.
2.2.1.6 - Limites relatives aux données
Au cours de l’analyse de l’existant, il est important de reconnaître et de mettre en
évidence les limites potentielles des données et des interprétations existantes, afin d’assurer une utilisation appropriée de ces ressources. Il est souvent tentant d’accepter des interprétations qui semblent fournir l’information voulue en négligeant d’évaluer comment ces interprétations ont été déduites et la nature des études sur lesquelles elles reposent.
Un exemple en est un programme en cours dans la Manche centrale visant à cartographier l’emplacement et l’étendue des habitats de type « récifs rocheux » de l’Annexe I, qui comprennent les affleurements rocheux et les récifs de blocs ou de gros cailloutis. Dans l’une des zones de levés ciblées, la carte des sédiments benthiques indiquait la présence de petits affleurements rocheux éparpillés près d’une zone étendue de graviers. Un sondage multifaisceaux couvrant en totalité une partie de cette zone (voir la figure ci-après) a révélé que celle-ci était beaucoup plus complexe et variée que prévu, avec de grands affleurements rocheux témoignant de vestiges de bassins versants.
Un réexamen de la carte des sédiments benthiques a montré que les points d’échantillonnage originaux se situaient en grande partie à l’extérieur de la zone couverte par les levés acoustiques. Cela illustre le danger d’utiliser une interprétation indépendamment des données dont elle est issue, y compris l’information sur le contexte temporel. Des cartes géologiques et des cartes du Quaternaire peuvent également s’avérer précieuses, car elles indiquent souvent jusqu’à quel point la roche sous-jacente est proche de la surface du fond marin.

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