1.6 - Quelles sont les limites de la cartographie des habitats ?. IFREMER des habitats marins
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 61
1.6 - Quelles sont les limites de la cartographie des habitats ?
Une carte d’habitats montre la répartition prédite de classes d’habitat et d’autres
informations obtenues par prélèvement et par télédétection, ou modélisées à partir de données de sources indirectes. Une carte d’habitats ne représente qu’un instantané dans le temps, et sa valeur de représentation de la répartition des habitats à tout moment ultérieur dépend de la variabilité naturelle du territoire cartographié. Mis à part les changements possibles dans le temps, d’autres limites quant à la nature de l’information sur les habitats viennent de la manière dont les données sont acquises, interprétées, représentées et conservées. Il faut comprendre ces limites puisqu’elles ont des implications importantes sur la conception d’un programme de cartographie, et afin que les utilisateurs aient des attentes réalistes vis-à-vis des cartes d’habitats. La figure suivante illustre les principales limites de la cartographie des habitats.
Peut-on... le voir ?
(données de terrain) le capter ?
(télé-détection) l’interpréter ?
(intégration) le représenter ?
(cartographie) quatre questions ci-dessus. Pour différentes raisons :
– il est possible que l’on ne puisse pas détecter un habitat intéressant, soit parce que l’on n’arrive pas à le « voir » sur le terrain, soit parce que les techniques de télédétection et d’interprétation ne permettent pas de distinguer cet habitat d’autres habitats semblables ;
– il est possible que l’on ne puisse pas représenter un habitat sur une carte à l’échelle choisie parce que ses dimensions sont trop petites.
Dans la réalité, il est peu probable que l’on puisse répondre de manière catégorique aux questions ci-dessus pour tous les habitats potentiellement présents dans le territoire à cartographier. La réponse sera souvent plus nuancée, telle que « peut-être » ou
« probablement ». Le degré de certitude avec lequel on peut répondre à ces questions dépend de notre connaissance de l’habitat concerné : certains habitats, par exemple les bancs de moules, font depuis longtemps l’objet d’études scientifiques, de sorte que l’on comprend relativement bien leur structure physique et biologique, ainsi que les facteurs physiques qui jouent un rôle important dans leur fonctionnement. Par contre, nos connaissances à propos de nombreux habitats des grands fonds sont très limitées, et nous ne savons pas bien s’il est possible de détecter et de cartographier ces habitats.
On a abordé plus haut les problèmes potentiels liés à l’échelle, à l’interprétation des images et à la cartographie. L’aire occupée par différents habitats benthiques varie
énormément selon les conditions qui prévalent dans le milieu et la géologie sous-jacente du fond. On peut arriver à cartographier un territoire hétérogène si l’aire des unités
d’habitats est grande par rapport à la limite de résolution des capteurs et à l’échelle de la
carte. Malheureusement, dans de nombreux territoires hétérogènes, les habitats sont très petits, souvent au-delà de la capacité de détection des capteurs, ou encore impossibles à représenter sur une carte à l’échelle choisie.
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Toutes ces limites affectent la qualité de la carte d’habitats finale. La qualité d’une carte est directement liée à son adéquation à l’usage que l’on veut en faire, ainsi qu’au degré de confiance que l’utilisateur peut avoir en elle. La qualité se mesure souvent par l’exactitude et la précision d’un produit. L’évaluation de la qualité d’une carte est un processus complexe mais crucial pour l’utilisateur, en particulier s’il doit prendre d’importantes décisions fondées sur cette carte. Le chapitre 5 « Jusqu’à quel point une carte est-elle bonne ? » décrit le processus d’évaluation de la qualité d’une carte. Les partenaires du projet M
ESH
ont élaboré un canevas d’évaluation de la fiabilité d’une carte
d’habitats, accompagné d’ un outil Web qui permet d’afficher le résultat de cette évaluation sur le site cartographique de M
ESH
. L’élaboration d’un tel canevas d’évaluation constitue une première.
Carte
représentant des emprises de carte des
habitats
, avec le degré de
fiabilité
du rendu cartographique déterminé à l’aide de l’outil d’évaluation du projet M
ESH
Un programme de cartographie des habitats consiste à recueillir une énorme quantité de données, qui sont au bout du compte résumées dans une carte d’habitats. Certaines de ces données sont des produits intermédiaires du processus qui aboutit à la production de la carte. Cependant, une partie de l’information enregistrée ne peut pas figurer sous forme de polygones d’habitat sur la carte finale : par exemple, les noms des espèces animales et végétales prélevées ou observées ne font pas partie de la description des habitats.
Cette information n’est toutefois pas perdue, et certains aspects importants (comme la présence d’une espèce rare) peuvent au besoin figurer sur une carte sous une autre forme. Il est essentiel de conserver dans une base de données toute l’information enregistrée à chaque étape du processus de cartographie des habitats, afin qu’elle ne soit pas perdue et qu’elle puisse se prêter à d’autres analyses et représentations, en particulier à une date ultérieure. Pour tirer le maximum des données, il faut les décrire avec soin d’une manière normalisée et les archiver convenablement de sorte qu’elles soient toujours disponibles pour des travaux futurs. La gestion des données fait l’objet de la prochaine section et est abordée plus en détail dans les chapitres 3 « Comment se fait l’acquisition des données ? » et 6 « Que peut-on faire avec une carte ? »
1.6.1 - Hétérogénéité du fond de la mer et agrégation des données
L’hétérogénéité du fond de la mer pose des problèmes particuliers de cartographie et oblige à prendre des décisions difficiles lorsque vient le temps de planifier l’acquisition des données et le format de la carte finale. L’hétérogénéité est relative à l’échelle de la carte, mais une forme de généralisation est nécessaire pour gommer les variations et donner un aperçu général. Quelles caractéristiques seront utilisées pour produire cet aperçu ? Que va-t-on montrer, et quels détails seront « perdus » ? Comment les variations à l’échelle
fine seront-elles gommées et résumées ?
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Dans la figure ci-après, un petit récif rocheux servant de substrat à certains coraux mous rares et importants est présent dans une plaine sédimentaire. Supposons que ce récif ait
été interprété sur une image acquise par un capteur de télédétection et qu’il en résulte un groupe de quelques pixels ou un petit polygone. Si la carte porte sur un territoire relativement grand et qu’une échelle moyenne de représentation soit adoptée, cette entité deviendra petite au point de disparaître. Ce récif est-il important ou non ? Si oui, ce problème peut être traité de plusieurs manières. Si l’on respecte les normes cartographiques énoncées plus haut qui recommandent de ne pas porter sur la carte de
polygone ayant une dimension inférieure à 3 mm, il faudra contourner la difficulté en créant par exemple un attribut de la classe principale « sable » et le libeller « récif présent ». Ce récif ne pourra pas être représenté en tant que tel, mais une trace de sa présence (et au besoin de sa superficie) sera conservée. On peut aussi créer une classe
« mélange de récif et de sable », mais ceci a une implication typologique qui dépasse le cadre de l’étude. Inévitablement, s’il y a un habitat dispersé et rare, le fait de retenir l’habitat majoritaire entraîne toujours une sous-représentation d’un habitat potentiellement important, ce qui a des conséquences sérieuses en matière de gestion environnementale.
Un petit récif rocheux dans une vaste plaine sédimentaire disparaît si la carte porte sur un territoire relativement grand.
L’hétérogénéité est chose courante en cartographie. La plupart des cartes gomment plus ou moins la variabilité du terrain (selon que la réalité est plus ou moins hétérogène). Si une carte comporte une certaine généralisation de la répartition des habitats et qu’elle en masque les variations, cela signifie que l’on pourra trouver sur le terrain des habitats non représentés sur la carte. Si c’est le cas, comment peut-on utiliser cette carte pour prédire la répartition des habitats (p. ex., pour faire le suivi de l’état des habitats) ? Évidemment, ce problème a plus d’ampleur lorsque l’échelle d’une carte est plus globale.
Si l’on fait un zoom arrière à partir d’une carte à échelle fine (à gauche), de nombreux objets deviennent trop petits sur la carte pour y être représentés de manière satisfaisante (au milieu), et un processus de généralisation peut être nécessaire pour éliminer les plus petits polygones (à droite).
La première carte (à gauche) est à une échelle d’environ 1/25 000 et l’on y distingue des
habitats détaillés. Si l’on passe à une échelle d’environ 1/100 000, (au milieu), les détails deviennent trop petits pour être lisibles. Une certaine généralisation (à droite) réduit le niveau de détail, mais rend la carte davantage lisible. Le processus de généralisation soulève un certain nombre de questions : La carte généralisée répond-elle aux besoins d’information de gestion à cette échelle ? Si oui, les petits détails auraient constitué une
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polygones en faveur de la classe dominante dans le voisinage ? Regrouper des classes d’habitat semblables ? Utiliser une classe de niveau supérieur dans la typologie E
UNIS
?
Quelle que soit la forme de généralisation adoptée, il y a perte d’information sur la carte.
L’information « cachée » peut toujours servir à décrire la variabilité des nouvelles classes et, bien entendu, les détails peuvent toujours être représentés sur un ensemble de cartes
à échelle fine.
1.6.2 - Utilisation des données acquises mais non cartographiées
Une carte d’habitats montre les classes d’habitat définies par leurs caractéristiques communes. Cependant, il est probable que les données de terrain acquises contiennent beaucoup plus d’information que ce qui est utile à la production d’une carte d’habitats, notamment des détails à propos du substrat et de l’abondance des espèces.
L’information n’est pas perdue simplement parce qu’elle ne peut pas être représentée sur la carte d’habitats de base. Il y a de nombreuses autres façons d’utiliser et de présenter de l’information. La force d’une carte d’habitats réside dans le fait qu’elle fournit un contexte spatial pour la totalité de l’information.
L’organigramme résume le processus d’utilisation, de présentation des données de terrain sur une carte d’habitats fondée sur des données de télédétection. Une classe d’habitat est affectée à chaque point d’échantillonnage et chaque classe est échantillonnée un certain nombre de fois pour que les échantillons puissent servir à interpréter les données de télédétection en termes de classes d’habitat. Les autres données de terrain peuvent être présentées par une couche supplémentaire de données ponctuelles.
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Utilisation et présentation de données de terrain sur une carte d’habitats fondée sur des données de télédétection
Finalement, l’information détaillée peut servir à élaborer une description détaillée d’une
classe d’habitat, donnant des renseignements sur la diversité probable, la composition des espèces et la variabilité possible de la classe d’habitat en question. Cette information ne fait toutefois pas partie de la carte elle-même, mais est accessible à l’utilisateur pour l’aider à comprendre les classes d’habitat représentées sur la carte. Cette information est souvent présentée de manière structurée, enrichie par des photographies ou des séquences vidéo du fond marin (voir l’exemple dans la figure ci-après).
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Exemple de description d’habitat complétant les classes d’habitat représentées sur une carte
1.6.3 - Jusqu’à quel point une carte d’habitats est-elle fiable ?
Il est facile de supposer qu’une carte d’habitats montre de manière exacte les habitats présents au fond de la mer. Mais il y a de nombreuses sources d’erreur et d’inexactitude, et de multiples facteurs peuvent faire en sorte qu’une carte ne représente pas vraiment la réalité du territoire cartographié. Les sources d’erreur et de variabilité comprennent les limites des moyens techniques et de l’analyse, le nombre insuffisant d’échantillons à interpréter, ainsi que les limites inhérentes à la cartographie.
Tout utilisateur d’une carte devrait se soucier de son exactitude. Le degré de précision et d’exactitude peut-il être indiqué sur une carte ? Plus important encore, quel degré de
confiance un utilisateur peut-il avoir envers une carte ? Jusqu’à quel point celle-ci est-elle fiable ? Il est très difficile de répondre à ces questions. Il faut être conscient de toutes ces questions et des limites des cartes d’habitats, afin que les utilisateurs aient des attentes réalistes sans toutefois perdre confiance en la contribution précieuse des cartes d’habitats
à la planification et à la gestion de l’environnement marin.
La
confiance est une évaluation par l’utilisateur du degré de fiabilité d’une carte en rapport avec sa finalité (jusqu’à quel point la carte répond aux objectifs fixés).
L’
exactitude est une mesure mathématique du degré de succès d’une carte comme prédicteur de la présence d’un habitat. On l’établit en comparant des échantillons
(données de validation sur le terrain) avec la carte et en comptant le nombre de
prédictions correctes et le nombre de prédictions erronées.
La
précision est une mesure du degré d’exactitude de la position des frontières d’habitats.
Dans le domaine de la cartographie, la notion de confiance est probablement la plus utile, en sachant toutefois que la fiabilité d’une carte peut dépendre de son exactitude. La
fiabilité est une question complexe, car elle présente de multiples facettes. La fiabilité d’une carte d’habitats est liée à la fois à son échelle, à sa résolution et à son contenu en
information ; des compromis sont possibles entre contenu en information et exactitude (le

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