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Christian Lassure La pierre sèche, mode d’emploi Deuxième tirage 2012 avec nouvelle présentation © Groupe Eyrolles, 2008, 2012 À l’occasion de son deuxième tirage cet ouvrage bénéficie d’une nouvelle couverture. Le texte et les illustrations restent inchangés. ISBN : 978-2-212-13453-7 pierre_seche.indd 3 12-01-06 16:21 L a p i e r r e s è c h e : v i e , m o r t e t r e n a i s s a n c e La pierre sèche : vie, mort et renaissance Très prosaïquement, la « pierre sèche », en maçonnerie, n’est que l’emploi de la pierre, brute ou ébauchée, sans mortier à liant. L’homme de l’art parle de « maçonnerie à pierres sèches ». Naguère, la pierre sèche a été le matériau de choix non seulement de murs non porteurs (de clôture, de séparation, d’épierrage) et de murs de soutènement (de terrasses, de chemins) mais aussi de murs porteurs (d’annexes agricoles, d’abris ruraux). Aujourd’hui, la pierre sèche fascine, tant par sa pérennité dans le paysage que par les perspectives ouvertes par son renouveau. Mais elle vient de loin. Les murailles et cabanes qui parsèment nos friches sont le conservatoire des techniques de construction à sec élaborées et perfectionnées par des paysans et des maçons ruraux, principalement lors du « siècle d’or » de l’architecture de pierre sèche. Depuis les défrichements encouragés par les édits royaux à la fin de l’Ancien Régime jusqu’à la création de vignobles commerciaux sous le Second Empire, en passant par le lotissement des communaux villageois après la Révolution, la création de champs et de cabanes alla bon train, poussée par la faim de terre liée à une démographie galopante, et par les débouchés que procurait l’amélioration des voies de communication. Des techniques de couvrement, issues des architectures savantes, furent librement adaptées à la création d’un outil de production et d’un habitat saisonnier par ces nouveaux défricheurs-bâtisseurs, confrontés aux masses de pierre livrées par la barre à mine : ainsi l’omniprésente voûte d’encorbellement, ingénieusement combinée 4 pierre_seche.indd 4 1/02/08 14:39:40 à l’inclinaison des corbeaux vers l’extérieur ; les déclinaisons rustiques de la voûte et de l’arc clavés ; les subtils systèmes de décharge au-dessus des entrées. Des murs sans une once de mortier, mais aux pierres agencées avec soin pour supporter des voûtes de plusieurs dizaines de tonnes, furent mis au point. Vers 1880, le mouvement de construction commença à décliner, sous les coups de l’exode rural et des maladies de la vigne, pour s’arrêter après la Grande Guerre dans des campagnes vidées de leurs hommes. À peine un demi-siècle plus tard, dans les années 1970, le savoirfaire des bâtisseurs de l’âge d’or était déjà perdu lorsque se fit jour, chez les générations de l’après-guerre, un intérêt tant pour l’étude et la préservation des vestiges matériels où ce savoir-faire s’était concrétisé que pour la redécouverte et la vulgarisation des techniques de la pierre sèche avec les premiers essais de construction expérimentale. Cet intérêt se renforça peu à peu, de 1980 à 2000, par la multiplication de stages d’initiation et de restauration pour déboucher sur la publication de manuels. Désormais, l’engouement pour la pierre sèche gagne un public croissant : particuliers restaurant une cabane sur leur propriété ; associations balisant un « sentier des cadoles » sur leur commune ; municipalités édifiant une réplique de cabane en pierre sèche dans le jardin communal ; artisans-maçons et paysagistes construisant des murs en pierre sèche à la demande. Mais souvent l’amateurisme prime encore sur le respect des règles de l’art, aussi est-il important de proposer aux intéressés un ouvrage qui leur donne les rudiments de la spécialité et leur signale les pièges à éviter. Si désormais l’acquisition des techniques de la pierre sèche est à la portée du grand public, il faut toutefois savoir qu’un manuel ne dispensera pas ces ingrédients essentiels que sont le temps, la persévérance et surtout la pierre, indispensable en grande quantité. Quant aux vestiges du « siècle d’or », ils resteront une source d’inspiration pour les tenants d’un aménagement harmonieux des paysages. 5 pierre_seche.indd 5 1/02/08 14:39:40 II Remonter un mur de soutènement / La préparation du chantier La préparation du chantier Stabilité et principes de dimensionnement de la terrasse Une terrasse à mur de soutènement en pierres sèches est un dispositif constitué : • en amont, d’un massif de terre à la surface horizontale ou faiblement inclinée ; • en aval, d’un mur de pierres sèches soutenant ce massif. Un tel dispositif obéit par conséquent : • aux règles de stabilité des sols ; • aux principes de dimensionnement des murs en pierres sèches. ■ Brèche donnant la coupe d’un mur de soutènement en grès : de droite à gauche, le parement du mur formé de boutisses, le drain constitué de pierraille, la terre mêlée de cailloux ou d’esquilles. Stabilité du massif de terre Plus le massif de terre en aval du mur de soutènement est hydraté et se rapproche de l’état liquide, plus sa résistance au cisaillement (et donc au glissement par rapport au talus sous-jacent resté à l’état solide) diminue. De même, plus le massif de terre est saturé d’eau, plus son poids augmente et plus la poussée sur le mur de soutènement s’accroît (il faut savoir que le poids d’un sol argileux, qui est seulement de 2 500 kg/m3 lorsqu’il est ressué, passe à 3 000 kg/m3 lorsqu’il est saturé d’eau). Enfin, plus le massif de terre est hydraté, plus il se dilate, ce qui accroît encore la poussée exercée sur l’ouvrage de soutènement (on saura qu’un remblai horizontal totalement saturé d’eau pousse environ 2,5 fois plus que le même remblai sec). La maîtrise des eaux excédentaires en amont du soutènement s’avère donc indispensable pour éviter la déstabilisation de la masse de terre et la destruction du soutènement. On trouve donc un dispositif d’évacuation des eaux excédentaires consistant : • tout d’abord en un drain ménagé entre la face interne du mur et la face soutenue, formé de cailloutis et de pierraille impropres à la confection du mur ; • ensuite en deux petits chenaux, disposés l’un en amont du soutènement, l’autre en aval de ce dernier ; • enfin en chantepleures réservées à intervalles réguliers dans l’épaisseur du mur dans sa partie inférieure. 24 pierre_seche.indd 24 1/02/08 14:40:23 La préparation du chantier ■ Stabilité du mur de soutènement Un mur de soutènement doit résister à la poussée oblique exercée par les terres qu’il soutient. Cette poussée (Fs) est la résultante d’une composante horizontale (Fsh) et d’une composante verticale (Fsv). Le mur oppose à cette poussée son poids (P) mais aussi, d’une part, la force de butée horizontale (Fb) s’exerçant en aval contre ses fondations et, d’autre part, la réaction du sol sous ces dernières. En simplifiant, on peut assimiler un mur de soutènement à une équerre verticale soutenant les livres d’un rayonnage de bibliothèque. Sans le poids de l’équerre, les livres se renverseraient d’un même côté. Le mur résiste donc principalement par son poids à la poussée de la terre. Domaine Schlumberger dans les Vosges : deux maçons remontent un mur de soutènement en assise de gros blocs. Fsh Fs Fsv P Fb R P : poids du mur Fs : résultante de la force de poussée du substrat Fsh : composante horizontale de la force de poussée du substrat Fsv : composante verticale de la force de poussée du substrat Fb : force de butée R : réaction du sol sous la base du mur Règles de stabilité d’un mur de soutènement à double parement. 25 pierre_seche.indd 25 1/02/08 14:40:24 II Remonter un mur de soutènement / La préparation du chantier Un échafaudage est-il utile ? Le recours à un échafaudage ne se justifie que pour des murs de soutènement dont la hauteur dépasse 1,5 m car le bâtisseur doit pouvoir accéder sans difficulté à la partie arrière du mur, pour bien y caler les pierres, mais surtout il lui faut pouvoir hisser les pierres à la hauteur désirée. Cependant, pour s’éviter des efforts inutiles, on a le loisir de bâtir un succédané d’échafaudage : deux piles de gros blocs supportant de grosses planches. Les pierres pourront être posées sur ce plateau mais sans constituer une gêne pour les allées et venues du bâtisseur. Toute surcharge sera bien entendu évitée. Dernier point, on peut toujours marcher sur le dessus du mur au fur et à mesure qu’il monte et par la même occasion vérifier que les pierres, bien calées, ne branlent pas. De quels outils se munir ? Pioche Pour remonter la partie éboulée d’un mur de soutènement, il n’est pas nécessaire d’avoir tous les outils requis pour l’édification d’un mur indépendant : feront l’affaire pioche, pelle, cordeau, marteautêtu, seaux et éventuellement râteau. Pelle Comment déblayer la partie écroulée ? Pour pouvoir remonter une brèche qui s’est ouverte dans un mur de soutènement, il faut tout d’abord déblayer le cône de pierres et de terre qui en interdit l’accès, puis creuser à l’emplacement de la brèche et en arrière de celle-ci (de façon à obtenir un espace suffisant pour le futur drain de cailloux et de gravier) et en retirer terre et racines. Marteau-têtu Cordeau Râteau Seau 26 pierre_seche.indd 26 1/02/08 14:40:26 La préparation du chantier Selon leur composition, les terres extraites du cône de déjection et de l’ancien drain seront affectées à des usages différents : • la terre collante (la terre argileuse) provenant du drain, sera évacuée et répandue ailleurs ; • la terre végétale (la bonne terre) provenant des couches de surface sera tamisée et mise de côté pour la planche en amont. Quant aux pierres, elles seront enlevées et entreposées en aval, en prenant soin de les ranger soit par ordre de grosseur décroissante en s’éloignant du mur, soit selon leur fonction dans le mur (boutisses traversantes, pierres de couronnement, pierres de maçonnerie intérieure, pierres de drain, pierres de calage). Les pierres éboulées ont été retirées et mises en tas en aval du chantier en vue de leur remploi. Comment nettoyer la brèche ? Pour pouvoir travailler en toute sécurité, il est important de retirer des flancs de la brèche et du couronnement (s’il existe) les pierres qui sont en position instable et risquent de tomber. En particulier, on retirera les pierres de couronnement sur 60 cm au moins de chaque côté de la brèche. Comment établir la cause de l’effondrement ? La majeure partie des brèches survenant dans les murs de soutènement ont pour origine des mouvements de la partie inférieure de ces murs (gonflement du parement, déchaussement de pierres) et surtout de l’assise de fondation. Il est donc plus prudent de dégager celle-ci complètement pour vérifier que les pierres soient bien alignées, qu’elles ne bougent pas quand on monte dessus et qu’elles soient inclinées légèrement vers l’amont (si elles étaient inclinées en sens inverse, les assises au-dessus tendraient à glisser vers l’aval). Le mur « fait ventre ». 27 pierre_seche.indd 27 1/02/08 14:40:34 Annexes / Table des matières Table des matières Construire un mur en pierre sèche La préparation du chantier ................................. 7 ..................................................................8 De quels outils se munir ? ...........................................................................8 Quelles précautions prendre ? ................................................................8 Où s’approvisionner en pierre ? .................................................................9 Comment ranger les pierres ? ................................................................. 9 La conception du mur ..............................................................................10 Définir les cotes du mur ...............................................................................10 Calculer la quantité de pierre requise .......................................................10 Creuser la tranchée de fondation ................................................................11 Déterminer le profil du mur ........................................................................12 Définir le fruit des parements .................................................................12 La construction du mur ...........................................................................14 Remplir la tranchée de fondation ............................................................14 Monter le corps du mur .............................................................................. 15 Édifier le couronnement du mur ...............................................................19 Bâtir la tête du mur ................................................................................21 Remonter un mur de soutènement ................................. 23 La préparation du chantier ....................................................................24 Stabilité et principes de dimensionnement de la terrasse ...............................................................................................24 Un échafaudage est-il utile ? ...................................................................26 De quels outils se munir ? .........................................................................26 Comment déblayer la partie écroulée ? ..................................................26 Comment nettoyer la brèche ? ................................................................. 27 Comment établir la cause de l’effondrement ? ................................... 27 La reconstruction du soutènement .....................................................28 Creuser la tranchée de fondation ..............................................................28 Construire un arc de décharge ..................................................................29 Remonter les assises ...............................................................................29 La reconstitution du dispositif en amont ..................................... 32 Le drain en arrière du mur ......................................................................... 32 Le terrassement au-dessus du drain ...................................................... 32 70 pierre_seche.indd 70 1/02/08 14:42:42 Table des matières Construire une cabane en pierre sèche ........ 35 La préparation du chantier ................................................................ 36 De quels outils se munir ? ....................................................................... 36 Quel matériau employer ? ....................................................................... 37 Où s’approvisionner en pierre ? ............................................................ 37 Combien de participants ? ..................................................................... 38 Comment ranger les pierres ? ................................................................. 39 Comment transporter les pierres à pied d’œuvre ? ............................40 Comment déposer les pierres sur le plan de travail ? .......................40 Comment façonner les pierres ? .............................................................41 La conception de la cabane ................................................................42 Estimer le volume de pierres nécessaire ...............................................42 Calculer le tonnage des pierres ..............................................................42 Déterminer le rapport diamètre intérieur/hauteur intérieure ............. 43 Déterminer le lieu d’implantation .......................................................... 43 Préparer les abords ................................................................................. 43 Creuser la tranchée de fondation .......................................................... 43 La construction de la cabane ...........................................................44 Remplir la tranchée de fondation .......................................................... 45 Édifier le corps de base ............................................................................46 Bâtir l’entrée de la cabane ...................................................................... 47 Édifier la partie de couvrement ..........................................................49 Cas particulier : édifice de plan carré ........................................ 54 Les quatre angles de la partie de base ................................................. 54 Couvrement pyramidal ou toiture conique ? ........................................55 Les éléments de confort ....................................................................... 58 La création d’une niche ........................................................................... 58 La création d’un regard ........................................................................... 59 La création d’un siège .............................................................................. 59 Le traitement du sol intérieur .................................................................60 La réalisation d’une cheminée .............................................................61 Les désordres à reconnaître ...............................................................62 Les désordres « verticaux » du mur ........................................................62 Les désordres latéraux du mur ............................................................... 63 Les désordres de la cabane .................................................................64 Annexes .....................................................................................................66 71 pierre_seche.indd 71 1/02/08 14:42:42 ">

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